Sans surprise, la Réserve fédérale américaine (Fed) entend garder son taux directeur à son creux historique actuel pendant «une durée prolongée», en dépit des signes que l'économie prend du mieux.

Depuis un an déjà, le taux cible des Fed funds se négocie dans une fourchette de 0 à 0,25%. Il devrait en être ainsi au moins jusqu'à la mi-2010, selon la très grande majorité des économistes sondés par l'agence Bloomberg.

À l'unanimité, les membres du Comité de politique monétaire de la Fed ont aussi réitéré hier ce qu'ils avaient annoncé, à la fin de juin: les mesures extraordinaires pour relancer le crédit prendront fin comme prévu l'an prochain.

Les marchés financiers ont accueilli avec un certain stoïcisme cette confirmation, les parquets new-yorkais ne cédant qu'une trentaine de points après l'annonce.

Les autorités monétaires prennent acte que «l'activité économique reprend, tandis que la détérioration du marché du travail s'estompe», précise le communiqué faisant part de leur décision.

Elles notent aussi une amélioration des dépenses des ménages et du marché de l'habitation, de même que les efforts des entreprises pour ajuster leurs stocks et ceux des institutions financières pour soutenir la croissance.

Cependant, précisent-elles, les entreprises réduisent encore leurs investissements et hésitent à grossir leurs effectifs.

«Si la Fed se montre un peu plus optimiste, elle ne pèche vraiment pas par excès de confiance, observe Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Ce qu'il faut retenir du communiqué, c'est que rien ne change pour un horizon rapproché.»

Le Comité justifie d'ailleurs sa décision en concluant qu'il s'attend toujours à «ce que les conditions économiques, y compris le faible taux d'utilisation des ressources, les tendances inflationnistes modérées et la stabilité des attentes inflationnistes, vont sans doute justifier le maintien des Fed funds à des niveaux exceptionnellement faibles pendant une durée prolongée».

«Ça ne ressemble en rien à une Fed qui prépare les marchés à une hausse prochaine des taux», résumaient Derek Holt et Karen Cordes, économistes chez Scotia Capitaux, dans une note à leurs clients envoyée peu après la publication du communiqué.

Le non-renouvellement des mesures d'assouplissement quantitatif s'explique en bonne partie par le fait qu'elles ont joué leur rôle pour ranimer le crédit, paralysé dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008.

Du nombre, mentionnons les swaps de dollars américains offerts aux autres banques centrales. Leur valeur n'est plus que de 16 milliards US alors qu'elle avait grimpé jusqu'à 583 milliards US au beau milieu de la crise financière.

Prendront également fin au premier trimestre les achats de titres hypothécaires émis par Freddie Mac et Fanny Mae, les deux grands prêteurs hypothécaires américains mis en tutelle par l'administration Bush. Le programme s'élevait à 1250 milliards US.

La Fed maintiendra jusqu'en juin son programme d'achat TALF (Term Asset-Back-Securities Loan Facility) pour les seules nouvelles émissions de titres adossés à des actifs.

Les autres programmes spéciaux expireront le 1er février.

«Les mesures d'allégement quantitatif étant maintenues jusqu'au printemps, et l'économie américaine étant toujours confrontée à de «formidables vents adverses» (selon les mots de Ben Bernanke), un changement de cap de la Fed vers un resserrement monétaire paraît sur le radar au plus tôt à la fin de l'an prochain», estime Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

D'ici là, la composition du Comité de politique monétaire aura cependant changé. Quatre membres quittent dont un seul était réputé pour sa volonté de mater l'inflation à moyen terme. Ils seront remplacés par quatre autres présidents de Fed régionaux dont deux sont réputés d'ardents défenseurs d'un resserrement monétaire préventif. «L'année qui vient sera riche en échanges portant sur la stratégie de sortie de la politique d'accommodement monétaire et d'éventuelles hausses de taux», prédit Ian Pollock, stratège américain chez Valeurs mobilières TD.