La taxe aux émissions polluantes et le plafonnement-échange («cap and trade») sont les deux principales approches de contrôle des émissions polluantes.

Une taxe aux émissions polluantes a l'avantage d'être relativement simple d'application; les gouvernements sont habitués à collecter des taxes, et ont les dispositifs pour le faire. Son autre avantage est d'offrir une plus grande certitude quant aux coûts futurs, ce qui rassure les entreprises. C'est un instrument de coûts.

Une approche de «plafonnement-échange» consiste en un plafonnement des émissions par un nombre limité de droits de pollution, et un marché d'échange (achat et vente) de ces droits, communément appelé bourse du carbone. L'avantage principal du plafonnement-échange est l'assurance d'une diminution des émissions. C'est un instrument de quantités.

Les deux types d'approche ont déjà été mises en oeuvre. La Suède a implanté une taxe sur le carbone dès 1991; la Norvège, dès 1997. Le Québec a une petite taxe sur les hydrocarbures depuis l'automne 2007, de moins de 1¢/litre d'essence. La Colombie-Britannique applique une taxe sur l'utilisation de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole, essence, etc.) depuis juillet 2008; de 3,51¢/litre d'essence, elle passera à 4,45¢/litre l'été prochain. Le plafonnement-échange est lui à la base de l'Emission Trading Scheme européen, vaste et première mise en oeuvre du protocole de Kyoto, mais aussi de programmes américains bien établis sur la réduction du dioxyde de soufre (SO2) et des oxydes d'azote (NOx).

Dans tous les cas, le succès de l'opération semble dépendre grandement de la qualité de l'implantation, autant que de l'approche. Si le niveau de la taxe est trop bas ou le plafond d'émissions trop haut, aucune des deux approches n'aura l'effet désiré. Différence notable entre les deux approches: la taxe est versée au gouvernement, qui la redistribue selon ses priorités, alors que dans un plafonnement-échange, les droits de pollution peuvent être vendus aux enchères par le gouvernement, ou attribués gratuitement. Dans ce dernier cas, il est clair que la capacité du gouvernement de compenser des déséquilibres transitoires est réduite.

Combinaison efficace

Doit-on se limiter à l'une ou l'autre des deux approches? Non! Des modèles théoriques suggèrent qu'une combinaison d'approche soit souvent plus efficace. Et des raisons pratiques vont dans ce sens. Par exemple, on peut introduire un prix maximum (un instrument de coût) dans une approche de plafonnement-échange. Ou on peut protéger des entreprises soumises à un plafonnement-échange contre l'importation de produits «sales», à l'aide d'une écotaxe à l'importation.

Il est tout à fait possible de faire cohabiter les deux systèmes. Une partie appréciable de la «quincaillerie» (par exemple pour le suivi des émissions) est nécessaire pour les deux approches.

Que faire alors? Quelle approche est préférable, dans le cas des GES québécois et canadien? Je n'ai pas trouvé d'arguments scientifiques incontournables en faveur d'une taxe ou d'un plafonnement-échange. Dans les deux cas, la qualité de la mise en oeuvre est aussi importante, sinon plus, que l'approche elle-même. Dans ce débat, certains ont des positions polarisées: la nord-américaine ExxonMobil exige une taxe au lieu d'un plafonnement-échange, mais la British Petroleum prend la position contraire. Plus près de nous, il y a un an, un groupe de plus de 200 économistes canadiens s'inscrivait en faveur de la taxe sur le carbone. D'autres prennent explicitement une position neutre, comme le font la David Suzuki Foundation et le Pembina Institute dans leur substantielle étude économique Protection climatique, prospérité économique, publiée en octobre.

Le temps presse

Faut-il chauffer la soupe au micro-ondes ou sur la cuisinière? Peu importe: il y a grand faim, et le temps presse. Une approche ou l'autre fera, pourvu qu'elle soit appliquée de façon décisive et rapide. L'action devient le seul argument valable. Les politiques du Québec et de la Colombie-Britannique me semblent tirer dans le bon sens: des taxes aux émissions ont été mise en place, puisqu'elles pouvaient l'être rapidement. Dans les deux cas, la taxe est accompagnée d'efforts pour mettre en marche le plafonnement-échange de la Western Climate Initiative, à laquelle les deux provinces font partie. Oui, ces taxes sont trop basses; oui, les objectifs de la W.C.I. sont trop timides. Mais ces premiers pas sont dans la bonne direction. Le gouvernement fédéral devrait suivre l'exemple de ces provinces, en négociant cette fois un plafonnement-échange avec (au minimum) le fédéral américain. Malheureusement, si on fait preuve de réalisme, il faut reconnaître que le gouvernement conservateur actuel a la ferme intention de faire aussi peu qu'il lui soit politiquement possible. De ce côté, la soupe risque de rester froide.

L'auteur est professeur d'ingénierie financière à HEC-Montréal. Ses intérêts de recherche portent particulièrement sur la gestion de l'énergie et l'économie du carbone.

michel.denault@hec.ca