Le ton monte aux audiences du CRTC, qui doit décider s'il faut octroyer des redevances sur les revenus des abonnements du câble aux chaines généralistes.

Les distributeurs, qui promettent de refiler toute nouvelle redevance à leurs clients, la chiffrent entre 10$ et 13$ par mois par abonné. Un chiffre « nettement exagéré » selon le président du CRTC, Konrad von Finckenstein, qui n'a pas caché son exaspération devant l'attitude des distributeurs lors de la comparution commune de Rogers, Bell et Cogeco ce matin à Gatineau.

« Pourquoi vous faites peur aux gens en utilisant des chiffres comme ça? (...) Tenez-vous en aux faits. Ce n'est pas 10$ par mois, ce serait beaucoup moins», a dit Konrad von Finckenstein aux distributeurs.

Sans une redevance sur les revenus du câble, des stations généralistes vont fermer, a prévenu le président du CRTC. Une hypothèse rejetée par Philip Lind, vice-président du conseil d'administration de Rogers. Le numéro deux chez Rogers fait valoir que les chaînes généralistes peuvent déjà compter sur le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale. Ce fonds créé par le CRTC en 2008 est financé par les distributeurs à hauteur de 1,5% de leurs revenus.

« Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale a été créé pour garder les stations locales ouvertes. Une redevance sur les revenus du câble (« fee for carriage ») serait créé pour continuer d'envoyer les dirigeants des télés généralistes à Hollywood », dit Philip Lind, faisant référence à l'achat d'émissions américaines par les chaînes généralistes, particulièrement au Canada anglais.

Le président du CRTC a suggéré, à titre d'exemple, une redevance mensuelle de 0,25$ par abonné par chaîne généraliste qui présente sept heures de contenu local par semaine. La suggestion de Konrad von Finckenstein a été aussitôt rejetée par les distributeurs. « Même si la facture totale n'augmente que de 3$ ou 4$, je ne comprends pas comment vous pouvez minimiser une telle hausse pour les consommateurs, dit Mirko Bibic, vice-président des affaires réglementaires de Bell Canada. Les consommateurs n'auront rien en retour. »

La réplique du président du CRTC ne s'est pas fait attendre. « Je comprends très bien que les consommateurs n'auront rien en retour, mais s'il n'y a pas de redevances, des stations régionales vont fermer », a dit Konrad von Finckenstein. Au cours de la dernière année, deux stations régionales ont fermé à Brandon, au Manitoba, et à Red Deer, en Alberta.

Faisant front commun dans le cadre de cette deuxième série d'audiences demandée par le gouvernement Harper, les distributeurs de télévision ont mis en garde le CRTC : une nouvelle redevance sur leurs abonnements ferait disparaître d'un seul coup leurs profits, qui ne sont pas aussi faramineux que les chaînes généralistes veulent le laisser entendre. Lors des audiences la semaine dernière, Radio-Canada avait comparé les profits des distributeurs à ceux des pétrolières.

« L'imposition d'une subvention, si elle doit être absorbée par les distributeurs, détruirait complètement les profits des distributeurs tout en augmentant considérablement les profits des diffuseurs, dit Kevin Crull, président des services résidentiels de Bell. C'est complètement déraisonnable et injustifiable dans une économie de marché. »

« Les distributeurs ne sont pas dans une position pour subventionner les diffuseurs, continue Kevin Crull. Les distributeurs par satellite n'ont jamais été rentables et ont accumulé au-delà de deux milliards de dollars en pertes depuis le lancement de ce service. L'industrie du câble a accumulé des profits raisonnables relativement aux sommes investies. »

Les distributeurs sont aussi opposés à l'idée de lancer un service de câble de base obligatoire à moindre coût pour les consommateurs. « Selon notre expérience, les consommateurs sont satisfaits avec l'offre actuelle », dit Denis Henry, vice-président des affaires réglementaires de Bell Aliant.

Radio-Canada, Global et CTVglobemedia, les chaînes généralistes qui veulent obtenir des redevances sur les abonnements du câble, comparaitront ensemble cet après-midi devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui doit rendre une décision sur la question des redevances au début de l'année 2010.