Sans surprise aucune, la Banque du Canada a reconduit hier son taux directeur à 0,25%. Elle s'engage toujours à le garder à ce niveau plancher jusqu'à la fin du deuxième trimestre prochain «sous réserve des perspectives concernant l'inflation».

Les institutions financières vont maintenir pour leur part à hauteur de 2,25% leur taux préférentiel et, près de ce niveau, le loyer d'une hypothèque à taux variable. Cela va continuer de stimuler le marché de l'habitation, autant de la maison neuve que d'occasion, comme en font foi les dernières données sur les mises en chantier de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et celles de la Chambre immobilière du Grand Montréal.

Dans le communiqué faisant part de sa décision, la Banque se montre un brin optimiste. «Bien que des vulnérabilités considérables subsistent, souligne-t-elle prudemment, l'évolution économique mondiale est un peu plus positive et les perspectives sont légèrement meilleures que la Banque ne l'entrevoyait» en octobre.

Elle constate aussi que «la croissance économique s'enracine plus solidement» au Canada même si les résultats du troisième trimestre ont été en deçà de sa prévision.

La Banque croit toujours que l'économie canadienne retrouvera son plein potentiel au deuxième semestre de 2011, période qui devrait coïncider avec le retour du taux général d'inflation à sa cible de 2%.

La Banque identifie deux séries de risque à son scénario. À la hausse, il y a une croissance plus forte que prévu de la demande intérieure et de la demande mondiale. À la baisse, l'expansion mondiale pourrait être plus faible qu'anticipé.

Elle craint aussi «qu'une vigueur persistante du dollar canadien exerce un nouvel effet modérateur sur la croissance ainsi que des pressions à la baisse supplémentaires sur l'inflation».

Il s'agit toutefois d'un constat beaucoup moins inquiétant que ce qu'on avait pu lire dans les communiqués de septembre et d'octobre. À ce moment-là, le huard était en pleine ascension. En octobre, la Banque affirmait que «la force actuelle du dollar viendra plus que contrebalancer les effets de l'évolution positive observés depuis juillet».

Depuis quelques semaines, le huard fluctue dans une fourchette d'échange de 93 à 95 cents américains.

Le ton modérément optimiste du communiqué a révélé une profonde division parmi les économistes financiers.

Certains voient que la Banque devra se résoudre à monter son taux directeur plus tôt qu'elle ne le souhaite.

«Nous nous attendons à une augmentation de taux d'ici le 20 avril 2010», clament Stéfane Marion et Paul-André Pinsonneault, de la Financière Banque Nationale. Geler le taux directeur jusqu'à la fin juin «devient un remède trop puissant pour une économie caractérisée par des banques à charte en bonne santé qui assurent pleinement la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle».

Moins radical, Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux, prédit que la Banque ne bougera pas avant le 30 juin, mais «vienne la Fête du Canada et elle hissera ses couleurs belliqueuses aux côtés des Unifoliés».

La plupart des économistes se montrent en revanche beaucoup plus prudents. «Avec la Fed vraisemblablement sur les lignes de côté jusqu'en 2011 et avec les risques sur l'inflation restant orientés à la baisse, nous sommes d'avis que la Banque détient la marge de manoeuvre pour amorcer son cycle de resserrement monétaire uniquement au dernier trimestre de l'an prochain», affirme Martin Lefebvre, économiste principal chez Desjardins.

Selon Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, les autorités monétaires précéderont par étapes. «À compter de l'hiver 2011, elles passeront d'un taux extrêmement bas à un taux faible d'environ 2,5%, marqueront une pause de deux trimestres avant de les remonter vers un niveau plus neutre à la fin 2011, début 2012.»

La prochaine date fixe d'établissement du taux cible de financement à un jour est le 19 janvier. Deux jours après la Banque publiera sa nouvelle projection de croissance et d'inflation.