La Bourse de Montréal est prête pour un éventuel marché des crédits d'émissions de gaz à effet de serre (GES), qui pourrait devenir considérable à l'instar de l'expérience européenne.

Toutefois, déplorent ses dirigeants, ce projet de «Marché climatique de Montréal» se bute encore au laxisme gouvernemental au Canada à déterminer les cibles de réduction des GES.

Ils espèrent donc que les pressions politiques et médiatiques découlant de la Conférence de Copenhague incitent Ottawa et les provinces à combler le retard.

«L'implantation d'un marché des crédits de gaz carbonique (CO2, principal GES) est devenue un enjeu économique qui s'ajoute à l'enjeu environnemental. Au Canada, il est temps de passer à l'action, indique Léon Bitton, vice-président au développement à la Bourse de Montréal et superviseur du Marché climatique (MCeX).

«Les gouvernements doivent préciser les normes de GES afin que les entreprises et les investisseurs puissent mieux évaluer la valeur des crédits d'émission, et que ce marché démarre pour de bon.»

Parmi les dirigeants d'entreprises, on déplore aussi le retard gouvernemental à préciser les normes d'émissions des GES. D'autant plus qu'un nombre croissant d'entreprises doivent leur attribuer une valeur d'opportunité ou de risque dans leur bilan financier.

«Les entreprises cherchent de plus en plus des moyens de comptabiliser leur impact environnemental, indique Hélène Lauzon, présidente du Comité patronal de l'environnement au Québec.

«Mais en l'absence de normes pour les GES, les entreprises tentent d'en estimer la valeur de passif ou d'actif à leur bilan, c'est-à-dire entre leurs émissions courantes et leurs investissements pour les réduire.»

Entre-temps, est-ce que l'incertitude sur les normes de GES incite les entreprises à suspendre des projets anti-pollution?

«Ces projets continuent d'aller de l'avant, mais leur valeur économique pour les entreprises demeure très incertaine», indique Mme Lauzon.

«Aussi, les entreprises souhaitent que leurs investissements récents pour réduire leurs émissions de GES soient reconnus de façon rétroactive.»

À la Bourse de Montréal, le projet du Marché climatique remonte à 2006, au moment d'un partenariat avec le Chicago Climate Exchange, un pionnier nord-américain.

Mais trois ans plus tard, faute de normes pour les GES, la Bourse ne peut encore offrir à ses courtiers-clients qu'un produit de substitution à des crédits d'émission.

Il s'agit de contrats à terme basés sur la valeur anticipée de futurs crédits d'émission de CO2 au Canada, pour 2011 et 2012.

«En fait, ça revient à spéculer sur la mise en place ou non d'un marché de crédits de carbone d'ici deux à trois ans», résume M. Bitton.

Ces contrats «MCX» sont inscrits à la cote depuis mai 2008. Ils se sont ajoutés aux produits dérivés qui font la spécialité de la Bourse de Montréal.

Malgré ce voisinage porteur, le marché des MCX demeure timide. En 18 mois, les contrats négociés équivalent à quelque 130 000 tonnes métriques par an en émissions de CO2.

Ce n'est qu'une petite fraction du marché potentiel au Canada entre les émetteurs de GES - les acheteurs de crédits éventuels - et les investisseurs en projets de réduction et d'absorption des GES, d'où proviendront les crédits à revendre.

Par ailleurs, en raison du faible volume de transactions, les prix des contrats à terme MCX ont été plus volatils que souhaité.

Ils cotent ces jours-ci de 3 à 6$ par contrat, selon leur échéance. C'est inférieur de moitié à leur prix initial de l'an dernier.

Mais c'est aussi deux fois plus que les prix-plancher qui furent atteints plus tôt cette année.

C'était avant les préambules à la Conférence de Copenhague, qui ont rehaussé la possibilité d'un marché des crédits de GES au Canada et aux États-Unis.

«Si un tel marché achoppe, les contrats MCX risqueraient de se retrouver à terme sans valeur. Au contraire, si un tel marché se confirme, la valeur de ces contrats pourrait rebondir vers les 12 à 15$», anticipe Léon Bitton.