Le Canadien de Montréal a fêté officiellement son centenaire le 4 décembre dernier. Pour commémorer l'événement, nous avons pu assister depuis octobre 2008 à un grand nombre d'activités hautement symboliques. Avec le recul, une question peut maintenant être légitimement posée: tout cet arsenal marketing a-t-il permis de bien célébrer le centenaire de l'équipe? Notre regard de professeurs de marketing s'est évidemment posé sur la promotion de l'événement et nous constatons que, selon cette perspective, les organisateurs ont été des «étudiants modèles». En fait, le Canadien a offert une programmation digne des textes classiques en marketing: développement d'une campagne de relations publiques à grand déploiement, fréquentes références nostalgiques dont le retour des anciens chandails de l'équipe, création d'un logo pour l'événement, utilisation du «co-marquage» par l'entremise de l'association avec l'Orchestre symphonique de Montréal et mise en marché de produits dérivés, tel un jeu Monopoly du Canadien. Et on en passe.

L'éloge des cérémonies s'arrête cependant ici. En fait, nous avons mis «textes classiques» en exergue pour qualifier l'approche marketing plutôt conventionnelle du club. À une époque où nous parlons de Web 2.0 et enseignons l'importance de l'intégration accrue des consommateurs (ou partisans) à la racine des activités de l'entreprise et de la «cocréation de la valeur», qu'a fait le Canadien pour entendre et inclure ses partisans aux célébrations? Les entreprises avant-gardistes d'aujourd'hui jouent d'audace et intègrent le consommateur dans la création de leurs produits. Les exemples abondent: Nestlé demande l'aide des consommateurs pour modifier l'image des boîtes Smarties, Heinz invite les fans de sa marque Ketchup à proposer leur propre publicité télé, etc. Dans la foulée de ce marketing participatif, les activités du centenaire, si importantes sur le plan symbolique, n'ont pas impliqué les partisans de façon directe. Ceci est d'autant plus vrai que d'autres clubs sportifs ont réussi à adopter, et à appliquer, les principes du marketing participatif.

Quel autre club sportif porte le rouge, possède une histoire marquée par des exploits remarquables et fête ses 100 ans de vie en 2009? Il s'agit de l'Internacional, club de soccer de Porto Alegre, au Brésil, qui a fêté son centenaire le 4 avril dernier. Si le Canadien a misé sur une approche marketing traditionnelle et sur la promesse de gagner sa 25e Coupe Stanley, l'Internacional a misé sur l'intégration des partisans. La série d'événements, élue comme un des meilleurs cas de marketing sportif au Brésil, a été baptisée «Le centenaire de tout le monde» et la majorité des activités créées par le club étaient destinées à ses partisans. Par exemple, pour la nuit du 3 au 4 avril (date de sa fondation), le club a organisé une grande fête dans son stade, le Beira-Rio, pour rassembler ses partisans. Environ 10 000 personnes étaient présentes. Par ailleurs, n'importe quel Colorado (dénomination du partisan de l'Internacional) de la planète pouvait organiser lui-même un événement officiel pour fêter le centenaire de son club. Pour cela, il suffisait de l'inscrire sur le site du club. Le 17 décembre, le club clôturera les commémorations avec un concert gratuit pour ses partisans abonnés. Plus de 50 000 personnes sont attendues.

En créant des événements qui permettent aux partisans du club de célébrer l'histoire de l'équipe à leur façon, l'Internacional a intégré les tendances contemporaines en marketing. Les résultats: un franc succès et un engouement inégalé. En effet, le club avait également lancé la campagne «100 ans, 10 0000 abonnés» ayant pour but d'arriver à 10 0000 abonnés en 2009. Mission accomplie: l'Internacional ne possédait qu'environ 12 000 abonnés il y a 7 ans et l'objectif a été atteint en juillet 2009.

N'aurait-il pas été approprié pour le Canadien, non seulement de commémorer son histoire, mais aussi de se projeter dans celle qui reste à écrire? La force d'un historique riche, c'est aussi et surtout la transmission d'une vision d'un futur empreint de succès. À l'instar de l'Internacional, impliquer directement les partisans par le biais d'activités de marketing participatif aurait été une stratégie gagnante. Ceci serait d'autant plus vrai auprès des partisans qui n'ont pas connu les heures glorieuses du Canadien et qui font partie des générations les plus réceptives face à ces nouvelles techniques de marketing.

Go Habs!

Vamos, vamos, Inter! (en portugais: allez, allez, Inter!)

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Danilo C. Dantas, danilo.dantas@hec.ca; Jonathan Deschênes, Ph.D., jonathan.deschenes@hec.ca; François A. Carrillat, Ph.D., francois.carrillat@hec.ca