Avec de nouvelles hausses de 4 à 6% des Bourses en novembre, les investisseurs surfent sur des gains de 60 à 65% depuis le creux de la vague boursière, en mars 2009. Mais cette prodigieuse avancée donne des sueurs froides à bien des épargnants qui redoutent un nouveau plongeon.

Les actions ont-elles grimpé trop haut, trop vite? «Je ne pense pas», répond Vincent Delisle à tous les investisseurs hantés par cette question. Selon le stratège de Scotia Capitaux, «les actions ne sont pas surévaluées. Nous ne sommes pas dans une période d'exubérance.»

Le rebond spectaculaire des marchés boursiers résulte d'une «normalisation» du prix des actions qui avaient subi une correction tout aussi spectaculaire à cause de la crise du crédit.

En mars dernier, les marchés s'attendaient à la fin du monde, les Bourses anticipaient une réédition de la Grande Dépression des années 30. «Pour les investisseurs, c'était le moment idéal pour prendre plus de risque. Mais au moment où l'on se parle, la fenêtre d'opportunité risque/rendement est en train de se refermer», a confié le stratège, lors d'une conférence téléphonique où il présentait ses perspectives d'investissement pour 2010.

C'est que la phase de normalisation est presque terminée, estime M. Delisle. Environ 80% du processus est déjà accompli et la normalisation sera complètement terminée dès le début de l'an prochain.

Un bon indice

Pour l'instant, M. Delisle reste plus favorable aux actions, dont le potentiel de rendement oscille entre 8 et 10% l'année prochaine, qu'aux obligations qui ne rapporteront que des poussières.

Mais en 2010, il conseille aux investisseurs de garder un oeil sur l'indice ISM. Comme l'étoile du berger, l'indice ISM de l'activité manufacturière américaine éclaire les investisseurs sur la tendance de la Bourse et des taux d'intérêt.

L'indice est concocté par l'Institute for Supply Management (ISM). Il repose sur un sondage mené auprès des directeurs d'achat des 350 plus grandes sociétés manufacturières américaines. L'indice ISM est considéré comme l'un des meilleurs indicateurs précurseurs, du fait que le cycle de la production manufacturière précède celui de l'activité économique.

M. Delisle a observé la relation entre l'indice ISM et le comportement de la Bourse américaine et des taux d'intérêt, depuis 1950.

Une lecture inférieure à 40 indique une sévère contraction de l'économie. Presque l'apocalypse! Lorsque cela se produit, comme ce fut le cas au début de 2009, la Bourse est aussi dans les bas-fonds, témoignant du sentiment de fin du monde des investisseurs.

Or, dans les 12 mois qui suivent, les probabilités de rebond de l'indice S&P 500 de la Bourse américaine sont de... 100%. Historiquement, les gains s'élèvent à 27% durant cette période.

Plus l'ISM monte, plus les probabilités et le potentiel de gains boursiers diminuent. Où en sommes-nous aujourd'hui? Eh bien pour le mois de novembre, l'ISM s'est établi à 53,6, selon les données diffusées hier. Il s'agit d'un léger recul par rapport au sommet de 55,7 atteint le mois précédent.

Une lecture au dessus de 50 indique une reprise économique, ce qui est justement le cas. Mais pour la Bourse, le signal est moins bon. Si l'on se fie à l'histoire, «le potentiel boursier de rendement devient plus limité lorsque l'ISM monte au-dessus de 55», dit M. Delisle.

Stratégie de portefeuille

Néanmoins, il est trop tôt pour délester les actions, afin de sécuriser son portefeuille, considère le stratège. «La forte croissance des profits des entreprises (30-35%) et l'injection de liquidités dans les marchés, devraient relever les indices boursiers d'un autre 10%», dit-il.

Les probabilités que les indices boursiers et les prix des matières premières dépassent les attentes, sont plus fortes que les risques d'une correction majeure, estime M. Delisle. Du moins pour le début de 2009. Ensuite, les investisseurs devront être sur leurs gardes et rester prêts à réaménager leur portefeuille. Quand, au juste? Pour le savoir, il faut surveiller... l'indice ISM.

«Ne planifiez pas vos vacances lorsque les données de l'ISM sont diffusées», blague le stratège. Avis aux intéressés, les chiffres sont toujours publiés le premier jour ouvrable suivant le mois du sondage.

Lorsque l'indice ISM s'installera au-dessus de 55 et que le S&P 500 vaudra plus que 1200 points, il sera temps d'enlever votre képi de majorette, indique M. Delisle.

Concrètement, cela signifie qu'il faudra vendre des titres cycliques (secteur financier, consommation discrétionnaire) et acheter des actions de sociétés qui font mieux plus tard dans le cycle économique (sociétés industrielles). De plus, il faudra privilégier les grandes entreprises, plutôt que les petites qui viennent d'enregistrer une nette surperformance.

L'ISM EN DIT LONG SUR LA BOURSE ET LES TAUX D'INTÉRÊT

MOINS DE 40

S&P 500

Rendement Bourse

27%

Probabilité de gains

100%

Taux directeur

(en centièmes)

-106

Taux d'intérêt, 10 ans

(en centièmes)

-32

40 À 50

S&P 500

Rendement Bourse

10%

Probabilité de gains

74%

Taux directeur

(en centièmes)

-102

Taux d'intérêt, 10 ans

(en centièmes)

-23

50 À 55

S&P 500

Rendement Bourse

8%

Probabilité de gains

72%

Taux directeur

(en centièmes)

-47

Taux d'intérêt, 10 ans

(en centièmes)

-1

55 À 60

S&P 500

Rendement Bourse

6%

Probabilité de gains

67%

Taux directeur

(en centièmes)

+73

Taux d'intérêt, 10 ans

(en centièmes)

+13

60 ET PLUS

S&P 500

Rendement Bourse

2%

Probabilité de gains

62%

Taux directeur

(en centièmes)

+113

Taux d'intérêt, 10 ans

(en centièmes)

+32

Source : Scotia Capitaux