La relève en technologies de l'information (TI), tout le monde en parle. Mais le terme «TI» couvre un grand nombre de compétences. Pour les entreprises et les institutions chargées de la formation, le défi est de déterminer lesquelles de ces compétences permettront d'assurer aux organisations québécoises et canadiennes un rôle de leader.

Nicholas Carr a écrit dans le Harvard Business Review que «IT Doesn't Matter». À son avis, le fait que les technologies de l'information soient offertes à toute organisation possédant les moyens de les acheter signifie qu'aucune organisation ne peut espérer en tirer un avantage concurrentiel. C'est la rareté d'une ressource qui lui confère sa valeur.

On peut donc se demander si les TI ou certains aspects des TI en entreprise sont des ressources rares. Le matériel TI, comme les ordinateurs, les réseaux, les systèmes d'exploitation ou les bases de données, ne sont pas rares. L'accès aux technologies de l'information s'est démocratisé au cours des dernières décennies. Avec le temps, le matériel TI devient à la fois plus puissant et moins coûteux à acquérir.

S'assurer que la plateforme technologique soit disponible et fonctionne correctement exige des compétences techniques. Est-ce que ces compétences sont rares? Pour des organisations qui ont décidé de conserver l'exploitation du matériel informatique à l'interne, certains postes spécialisés sont parfois difficiles à combler de façon satisfaisante. Mais pour un grand nombre d'entreprises, petites et grandes, l'impartition du matériel et de son exploitation est une option accessible et fiable. Selon la logique de Carr, exploiter le matériel informatique ne peut fournir un avantage concurrentiel.

Pour que les TI puissent procurer des avantages concurrentiels, il faut qu'elles soient intégrées aux processus d'affaires de l'organisation, qu'elles appuient sa capacité d'innover et de changer, qu'elles soient complémentaires aux compétences d'affaires de son personnel et de sa culture et que cette intégration soit faite sur une base soutenue qui ne perturbe pas les activités quotidiennes.

Est-ce que les compétences permettant l'intégration des TI et des affaires sont rares? Pour certains processus «sans valeur ajoutée», tels le traitement de la paie ou la gestion du parc de micro-informatique, la réponse est non. Mais pour les processus qui distinguent l'organisation de sa concurrence, la réponse est oui. «IT does matter» quand les technologies sont bien intégrées avec les processus-clés de l'organisation.

Réaliser cette intégration demande un personnel polyvalent ayant des compétences en technologie, une connaissance aiguisée des affaires et de la gestion et une capacité à communiquer et à négocier à différents niveaux, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'organisation. Gérer la relève en TI signifie, pour un grand nombre d'organisations, de s'assurer de la continuité des postes-clés, tels ceux d'analystes d'affaires, de gestionnaires de projet, d'architectes de l'information et de gestionnaires de processus.

Les universités, surtout les écoles de commerce et d'administration, proposent actuellement une formation qui prépare très bien les étudiants à une carrière orientée vers l'intégration des TI et des affaires. La principale faiblesse de ces diplômés est reliée à leur manque d'expérience dans des environnements réels. Il est difficile de faire vivre aux étudiants l'interaction de la technologie, des processus d'affaires, de la culture, de la résistance au changement, de l'organisation et de l'industrie dans une salle de classe. L'importance de la participation des organisations à l'éducation de la prochaine génération d'intégrateurs affaires-technologie ne peut être sous-estimée.

Depuis un an, un groupe d'universités et d'entreprises, la Coalition canadienne pour une relève en TIC (ccict.ca), s'engage activement à bâtir la relève pour les compétences-clés en technologies de l'information et des communications. La Coalition cherche à trouver des moyens d'attirer des jeunes étudiants vers des carrières en intégration des TI et des affaires. Le groupe s'active à rendre plus visible la formation et les carrières dans le Business Technology Management (BTM).

Les quatre écoles de commerce de Montréal et celle de l'Université Laval à Québec participent activement à ces efforts. HEC Montréal est membre du comité exécutif du programme BTM. Le groupe est en train de mettre au point des mécanismes visant à rendre les diplômés encore plus productifs dès leur embauche. La réussite repose sur un partenariat entre l'industrie et l'université et sur la visibilité des carrières en intégration des TI et des affaires.

Michael D. Wybo, Ph. D. est professeur agrégé, HEC Montréal

Pour joindre notre collaborateur: michael.wybo@hec.ca