Après trois jours d'audiences, les chaînes généralistes ont enfin présenté leur témoin-vedette au CRTC hier après-midi. Son nom? Leonard Asper, 45 ans, PDG de Canwest Global Communications, le conglomérat médiatique en faillite depuis un mois et demi.

Les chaînes généralistes espèrent que les difficultés financières de Global, la deuxième chaîne de télé la plus populaire au pays derrière CTV, convaincront le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) de la nécessité de leur accorder des redevances sur les revenus des abonnements au câble, un privilège jusqu'ici réservé aux chaînes spécialisées.

«Nous ne pouvons plus nous permettre de donner notre produit gratuitement aux câblos et aux distributeurs par satellite. Nous n'avions pas besoin des redevances du câble à l'époque, mais nous en avons besoin maintenant», a dit Leonard Asper aux neuf commissaires du CRTC qui se pencheront sur la question durant tout l'automne.

En échange de redevances, Canwest Global est prêt à accepter de nouvelles contraintes en matière de contenu canadien. La société de Winnipeg veut toutefois que les règles du CRTC cessent de favoriser les chaînes spécialisées et les câblodistributeurs. «La télédiffusion est une industrie réglementée, dit Leonard Asper. Si vous décidez de la réglementer, il faut le faire de façon juste.»

«Ça fait depuis 1994 que nous disons au CRTC que le système avantage les câblos», a ajouté Leonard Asper, au cours d'une courte entrevue à La Presse Affaires.

Comme diffuseur privé, Canwest Global est prêt à partager les redevances du câble avec CBC/Radio-Canada. Un discours diamétralement opposé à celui de Quebecor Media entendu en matinée par le CRTC. Le grand patron Pierre Karl Péladeau trouve «scandaleux» que le CRTC songe à inclure Radio-Canada dans un possible régime de redevances.

«Je trouve ça simplement scandaleux, d'autant plus que ça servirait probablement à acheter plus de séries américaines comme ils le font depuis des années, dit Pierre Karl Péladeau. Naturellement, Radio-Canada dira toujours qu'elle manque d'argent... même si on lui donnait des milliards de plus, elle en manquerait encore.»

Quebecor Media suggère à Radio-Canada de s'adresser au gouvernement Harper pour obtenir des fonds supplémentaires. La société d'État fédérale fait remarquer que selon les chiffres du CRTC, la télé de Radio-Canada consacre 3% de ses dépenses à des émissions étrangères, contre 25% pour les chaînes privées de langue française au pays.

La solution Quebecor

Quebecor Media, qui est favorable aux redevances du câble aux chaînes généralistes privées, est dans une situation particulière: le conglomérat possède à la fois la chaîne généraliste TVA et Vidéotron, le seul câblodistributeur au pays à appuyer le paiement de redevances aux chaînes généralistes.

La solution proposée par Quebecor consiste à ne pas augmenter le coût du câble mais à redistribuer les redevances existantes en incluant les chaînes généralistes privées. «Nous sommes pour un rééquilibrage, mais pas pour une hausse des coûts. C'est important que le citoyen ne subisse pas de hausses de tarifs», dit Pierre Karl Péladeau.

Selon la proposition de Quebecor Media, les redevances seraient déterminées par des négociations entre les chaînes généralistes et les câblodistributeurs. Quebecor Media veut négocier les redevances sous la surveillance du CRTC durant une période de trois ans afin de ne pas créer de «rupture» ni de «chaos» au petit écran. D'autres chaînes généralistes comme CTV demandent plutôt un droit de retrait des ondes en cas d'échec des négociations. Après ces trois ans, Quebecor Media ne veut plus d'arbitrage de la part du CRTC.

Quebecor Media, qui se désole que le CRTC ait ignoré ses requêtes pour des redevances aux chaînes généralistes privées depuis trois ans, estime que l'organisme fédéral n'a plus le choix. «Pensez-y bien, une fois que la télévision généraliste se sera écrasée, c'est le dernier clou du cercueil du système canadien de radiodiffusion qui aura été planté», dit Pierre Karl Péladeau.

Le mémoire déposé par Quebecor Media a été louangé par le conseiller du CRTC, Michel Arpin. «Il s'agit d'une approche très constructive à l'égard des enjeux, a-t-il dit. Dans le débat qu'on a depuis quelques jours, c'est bon de voir que certains ont répondu aux questions qui ont été posées.»