La mesure du bien-être de la population, qui figure parmi les recommandations du récent rapport Stiglitz, sera mise en oeuvre même si elle est «extrêmement coûteuse», a indiqué mardi Jean-Philippe Cotis, le directeur général de l'Insee.

«Il n'y aura pas d'indicateur unique» du bien-être mais «une panoplie, un spectre d'indicateurs qui permet de capter» cette notion, a affirmé lors d'une conférence de presse M. Cotis, jugeant ce processus «extrêmement coûteux».

«Le budget de l'Insee reste inchangé (...) et je n'ai pas d'indications qu'il va brutalement augmenter à l'avenir», a ajouté M. Cotis.

Selon lui, l'Insee travaillera avec l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'office européen Eurostat afin de réduire les coûts de cette nouvelle démarche statistique et impulser des «coopérations au plan international».

Remis à Nicolas Sarkozy en septembre, le rapport du Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz suggère de compléter la mesure de la croissance économique, actuellement évaluée par le produit intérieur brut (PIB), par des indicateurs de «bien-être» prenant en compte les activités non-marchandes (travaux domestiques, loisirs...) ou les inégalités.

Chargée par le chef de l'État de modifier son appareil statistique, l'Insee va publier en 2010 des enquêtes, «en phase avec l'approche du rapport Stiglitz», sur les très hauts revenus, l'évolution du «mal-logement» et du capital humain (expériences, compétences...), a détaillé M. Cotis, par ailleurs ex-membre de la Commission Stiglitz.

Le rapport Stiglitz «fera date» mais il «ne marque pas pour autant une rupture avec les travaux actuels des statisticiens». «Il appelle plutôt à accélérer des mutations qui sont déjà engagées afin de mieux répondre à la demande sociale», a déclaré M. Cotis.

«Il s'agira à la fois de compléter ce qui fonctionne bien et d'innover lorsque nécessaire», a-t-il ajouté.

La publication de ces nouveaux indicateurs de «bien-être» sera irrégulière, a prévenu M. Cotis. «Ca n'a pas de sens de publier ça tous les trois mois. Ce n'est pas le bon tempo», a-t-il ajouté.

Le patron de l'Institut national de la Statistique a par ailleurs affirmé que la mesure de la «soutenabilité» de l'activité économique, également abordée dans le rapport Stiglitz, posait des «difficultés conceptuelles considérables, associées à une pénurie de données facilement exploitables».

Mais pour le Comité de défense de la statistique publique, composé d'agents et de syndicats du secteur (Insee, Dares, Drees, etc), la statistique publique «risque (...) fort de se trouver confrontée à une équation insoluble: demande croissante, moyens en baisse, désorganisation».

En effet, la statistique publique doit faire face, selon le comité, à une baisse d'effectifs dans les années à venir, liée au non remplacement d'un départ à la retraite sur deux (comme l'ensemble des services publics) et à la délocalisation d'ici 2013 de quelque 500 agents à Metz.

Il faudrait alors «faire des choix qui nous semblent inacceptables», explique le Comité dans un communiqué. «Soit produire, en réponse au rapport Stiglitz, des informations de qualité médiocre, soit s'orienter vers la production d'indicateurs de qualité, cherchant sérieusement à mieux appréhender le bien-être, et abandonner d'autres travaux et publications».