CTV qui parle de mettre la clé sous la porte (dans la caméra, en fait). Rogers, assis sur ses centaines de millions de profits par année, qui refuse tout compromis. Le président du CRTC exaspéré qui compare leur différent commercial à une «croisade religieuse».

Pour son premier épisode de la saison, le feuilleton opposant les câblodistributeurs aux chaines généralistes pour le partage des revenus des abonnements du câble ne manquait pas d'action.

Devant une salle comble de 150 représentants de l'industrie des télécoms venus assister hier matin à l'ouverture des audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le président de l'organisme fédéral, Konrad von Finckenstein, a servi un avertissement à peine voilé aux câblodistributeurs, qui menacent de refiler aux consommateurs toute redevance des revenus du câble octroyée aux chaînes généralistes (Radio-Canada, TVA, V, CTV, Global).

Un scénario que veut éviter à tout prix l'organisme de réglementation des télécoms au pays. «Il ne s'agit pas de consacrer ou de protéger de vieux modèles commerciaux, a dit Konrad von Finckenstein. Et il ne s'agit pas non plus de mettre les consommateurs à l'épreuve.»

D'entrée de jeu, Konrad von Finckenstein s'est dit «frustré» par l'attitude des câblos et des chaines généralistes, qui se livrent une guerre dans l'opinion publique avec leurs pubs télé depuis le début de l'été. «Je suis frustré de cette attitude de confrontation, a-t-il dit. Les chaînes généralistes ont besoin des câblos et le contraire est aussi vrai. (...) Vous ne pouvez pas exister l'un sans l'autre, mais vous n'êtes pas capables de négocier ensemble (...) Nous devons sortir de cette logique.»

Premier intervenant à prendre la parole devant le CRTC, CTVglobemedia menace de fermer CTV, la chaîne qui obtient les plus grands auditoires au pays, sans une décision favorable du CRTC dans les six mois. «Avec les règles actuelles, la télé généraliste n'a pas d'avenir, dit Paul Sparkes, vice-président à la direction aux affaires corporatives de CTVglobemedia. La possibilité d'une fermeture n'est pas une menace, c'est une réalité. Peut-être qu'une autre entreprise voudra faire de la télé généraliste, mais pour l'instant, ces actifs ne valent rien.»

CTV propose de s'inspirer du régime américain, qui permet la négociation de redevances entre les chaînes généralistes et les câblodistributeurs. Détail d'une importance capitale: CTV veut obtenir le droit de retirer son signal des ondes en cas d'échec des pourparlers, au lieu de se soumettre à l'arbitrage. Les consommateurs seraient ainsi pris en otages. «Nous détenons les droits sur nos émissions et ce droit de retrait nous aiderait à négocier avec les câblos», dit Paul Sparkes.

Deuxième à s'exprimer, Rogers ne l'entendait pas ainsi. Le câblodistributeur n'a rien contre le modèle américain - à condition de l'adopter dans son intégralité. Aux États-Unis, les chaînes généralistes doivent choisir entre des redevances et un droit de retransmission obligatoire. «S'ils veulent le régime américain, tant mieux, dit Philip Lind, vice-président du conseil d'administration de Rogers Communications. Nous avons offert le câble pendant 10 ans aux États-Unis sans jamais payer les chaînes généralistes américaines pour leur signal, Le régime américain est beaucoup plus déréglementé. Au Canada, il y a toujours une obligation de faire ceci et de faire cela.»

Rogers estime le coût des redevances aux chaînes généralistes entre 6$ et 10$ par mois par abonné. Le câblodistributeur prévient le CRTC que toute hausse du prix du câble se traduira par une hausse du piratage télévisuel. Rogers, qui détient la chaîne généraliste CityTV, blâme les autres chaînes généralistes d'être au bord du gouffre financier parce qu'elles se livrent une guerre de prix afin d'acquérir les droits des émissions américaines les plus populaires.

Citant une politique de son organisme datant de 1971, le président du CRTC, Konrad von Finckenstein, a rappelé aux câblos que « (...) chacun doit payer pour ce qu'il utilise dans l'exploitation de son entreprise (...)». Le président du CRTC, qui étudie la question des redevances aux chaînes généralistes pour la troisième fois en trois ans, a ensuite demandé aux dirigeants de Rogers les raisons de leur entêtement à refuser de négocier des redevances avec les chaînes généralistes. «Parce que nous ne demandons pas de plan de sauvetage (bail out), nous, a répondu Philip Lind. Une chose est certaine: nous ne négocierons pas. Si le CRTC veut imposer une nouvelle taxe, qu'il le fasse.»

«Je suis déçu par ce que j'ai entendu, a conclu Konrad von Finckenstein. Il doit bien y avoir une solution qui passe par des négociations. Sinon, vous n'aimerez peut-être pas notre solution.»

Aussi exaspéré soit-il, le président du CRTC n'est pas près de résoudre le litige de l'heure au petit écran, qui se poursuit aujourd'hui avec la comparution de Radio-Canada et de Bell.