Le marché mondial des jeux vidéo connaît sa première vraie récession, après des années de croissance forte et lucrative. Mais dans l'important milieu des producteurs à Montréal, à la veille de son grand congrès annuel, on demeure confiant d'éviter le pire de cette récession.

«Nous sommes relativement épargnés par cette première crise économique dans l'industrie des jeux vidéo. Pour le moment, il ne s'agit que d'une pause de croissance. Les grands studios montréalais maintiennent leurs projets afin d'être prêts pour la reprise de la croissance du marché», résume Pierre Proulx, directeur de l'Alliance numérique.

Il s'agit du principal regroupement d'un secteur des loisirs audiovisuels qui, après 10 ans de croissance soutenue, compte des milliers de professionnels et quelques studios de renommée mondiale.

En fait, parce que la production pour diffusion mondiale implique des budgets individuels de plusieurs millions de dollars, ce secteur d'activité à Montréal aurait un impact économique semblable à «une dizaine de mégaproductions d'Hollywood» chaque année, suggère un interlocuteur de La Presse Affaires.

Bref, une bonne raison pour surveiller la conjoncture d'un marché multimilliardaire sur le plan mondial et ses conséquences sur l'économie de la métropole québécoise.

À cet effet, les plus récentes données de marché ont de quoi susciter quelques frissons parmi les dirigeants des principaux studios montréalais.

Par exemple, les ventes de jeux dans les trois principaux marchés nationaux - les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Japon - s'annoncent en baisse de 6% cette année.

C'est tout le contraire de la croissance d'au moins 4%, même réduite, que l'on anticipait encore en mai dernier.

Aussi, les récents résultats financiers de grandes entreprises de consoles électroniques et de logiciels de jeux ont été très décevants.

Parmi les fournisseurs de consoles, le géant japonais Nintendo a récemment déclaré une baisse de 34% de ses revenus et de 52% de son profit pour la première moitié de l'exercice 2009.

Ce pire ressac en six ans chez Nintento a été imputé à la soudaine mévente de ses consoles Wii, qui l'a contraint à réduire encore ses prix.

Pendant ce temps, chez Microsoft, la division de divertissements qui comprend les consoles Xbox est confrontée à une soudaine stagnation de ses ventes.

Chez Sony, producteur des consoles PS3, on compte sur la nouvelle version «250 GB» et les jeux de haute définition pour déjouer la tiédeur appréhendée de la prochaine saison des ventes de Noël.

Dans le marché des logiciels de jeux, les récents résultats financiers de certains gros producteurs ont aussi été mauvais. Ils sont les plus préoccupants pour les studios montréalais.

Pour une, l'américaine Electronic Arts (EA), dont les activités à Montréal regroupent plus de 700 personnes, a lancé une nouvelle ronde de 1500 suppressions d'emplois et de fermeture de studios.

L'entreprise a décrété ce repli après avoir subi une décroissance de revenus de 11% et une perte accrue de 26% lors de son plus récent trimestre, terminé le 30 septembre.

Malgré ce contexte, le principal dirigeant d'EA à Montréal, Alain Tascan, demeure confiant que son studio évitera les compressions décrétées pour toute l'entreprise.

«Nous embauchons encore à Montréal, d'autant plus qu'il s'agit d'un site stratégique chez EA. Nous continuons d'y investir parce que nous trouvons à Montréal une qualité de main-d'oeuvre et une structure de coûts hors du commun», a indiqué M. Tascan.

Chez la française Ubisoft, dont le studio montréalais regroupe 2000 personnes, le directeur général, Yannis Mallat, espère encore traverser la récession du marché des jeux sans trop de heurts.

Et ce, même si les plus récents résultats d'Ubisoft étaient très inquiétants: revenus semestriel atrophiés de 52% en un an et résultat d'exploitation renversé d'un profit à une perte de 80 millions d'euros.

«Dans le marché des jeux, les chiffres peuvent être très cycliques et saisonniers, selon les lancements de produits», avertit d'emblée M. Mallat.

«Pour le moment, il n'y a pas d'impact conjoncturel sur nos activités à Montréal. En fait, Ubisoft continue de confier ses productions les plus importantes à ses studios de Montréal. Et dans un marché difficile, c'est encore plus important d'avoir les produits du plus haut calibre.»

N'empêche. Les prochaines semaines sont cruciales pour Ubisoft à Montréal, avec le lancement de titres à gros budget.

Pendant ce temps, chez Eidos, un autre important producteur d'origine étrangère à Montréal, le directeur général, Stéphane D'Astous, affirme avoir le feu vert du siège social pour continuer ses projets.

Et ce, malgré les tumultes récents parmi les actionnaires d'Eidos et l'impact de la récession sur les résultats de son nouveau propriétaire, le groupe japonais Square Enix.

Ce dernier a récemment annoncé une chute de 55% de son bénéfice semestriel, malgré la croissance de 33% de ses revenus à la suite d'acquisitions.

À Montréal, Stéphane d'Astous est confiant envers le niveau d'activités du studio, qui compte maintenant 280 personnes.

«Nous recrutons encore et nous prévoyons même une troisième phase d'expansion de nos locaux (au centre-ville), dit-il à La Presse Affaires.

«Par ailleurs, Eidos a été un peu précurseur l'an dernier par rapport à la récession dans le marché des jeux. L'entreprise avait restructuré ou stoppé certains projets de production. Mais aucun d'entre eux n'était prévu pour le studio de Montréal.»