Jean-François (nom fictif) n'a pas pris de vacances l'été dernier. Il a renoncé aux sorties au restaurant, va moins souvent au cinéma et n'a «pas acheté de nouvelles bébelles pour la maison».

«On écoute le hockey dans mon salon au lieu d'aller à la Cage aux sports», lance-t-il.

Jean-François ne veut pas dévoiler son vrai nom pour ne pas se mettre à dos d'éventuels employeurs. Avant janvier dernier, il était graphiste pour une importante boîte de publicité.

Aujourd'hui, il travaille à son compte. Et à entendre le ton de sa voix, on comprend que ce n'est pas par choix.

«La récession sert de prétexte pour baisser les salaires, dénonce-t-il. Moi, j'avais une bonne job à de bonnes conditions. J'ai été mis dehors. Et la semaine passée, j'ai vu ma job affichée. Ils engagent des juniors qui coûtent moins cher. Ou pire: ils mettent des gens dehors, et la semaine d'après, ils les appellent pour voir s'ils veulent faire de la pige.» Jean-François fait partie de ce que l'économiste Sébastien Lavoie, à la Banque Laurentienne, appelle le «chômage déguisé». Une expression pour décrire des gens qui n'ont peut-être pas complètement arrêté de travailler pendant la crise, mais qui le font à de moins bonnes conditions. Cette semaine, la Banque CIBC a braqué les projecteurs sur ce phénomène qui échappe aux statistiques officielles. La banque révèle que depuis six mois, la qualité des emplois au Canada est en train de «piquer du nez».

Salaires en baisse, plus forte proportion d'emplois à temps partiel, davantage de gens qui, comme Jean-François, travaillent à leur compte: en considérant différents facteurs, la CIBC calcule que la qualité des emplois a dégringolé de 3,8% depuis le mois de mars.

L'étude de la CIBC révèle que la situation de l'emploi a connu deux phases distinctes au pays. Dans la première, les pertes d'emplois ont été massives (356 000 emplois perdus entre octobre 2008 et mars 2009), mais la qualités des emplois restants s'est maintenue.

Depuis mars, il y a eu un renversement. Les pertes d'emplois se sont atténuées, mais la qualité des emplois, elle, s'est dégradée - une caractéristique rarement étudiée, mais qui a son impact sur l'économie. Il n'y a qu'à voir à quel rythme Jean-François a réduit ses dépenses pour comprendre qu'il contribue beaucoup moins qu'avant à faire rouler l'économie.

«Les bénéfices d'une stabilisation du niveau d'emploi sont contrebalancées, au moins en partie, par la qualité plus basse des emplois», écrit la CIBC.

C'est en Colombie-Britannique, dans les provinces de l'Atlantique, en Alberta et au Québec que la qualité des emplois a le plus chuté depuis le début de l'année. L'Ontario est la seule province où la qualité des emplois s'est améliorée durant la même période.