Un an après le début de la crise financière déclenchée par l'effondrement de l'immobilier aux États-Unis, une nouvelle hausse rapide et irrationnelle des prix des actions, des maisons ou encore du pétrole pourrait paraître improbable. Pourtant, tous les ingrédients sont réunis pour qu'apparaisse une nouvelle bulle, avertissent les experts.

Historiquement, les bulles majeures se produisent à des décennies, voire des siècles d'intervalles. Pourtant, alors que l'explosion de la dernière bulle continue à faire sentir ses effets sur l'économie mondiale, les conditions sont réunies pour la formation de la suivante.

Deux signaux d'alerte accréditent cette hypothèse. Le cours de l'or a atteint un plus haut historique à 1062 $ US l'once jeudi, et l'indice Nasdaq des valeurs technologiques a gagné 68% depuis mars.

Les experts notent une forte hausse du volume des capitaux circulant dans le monde à la recherche des meilleurs rendements. Les investisseurs sont toujours obsédés par les gains à court terme au détriment de la performance sur le long terme. Et l'information voyage aujourd'hui instantanément, favorisant les réactions «moutonnières».

«La question n'est pas de savoir si (une bulle) peut se reproduire, mais plutôt de savoir quand», souligne Kenneth Rogoff, professeur d'économie à l'université de Harvard et coauteur d'un ouvrage sur les bulles.

Aux États-Unis, les courtiers imprudents et certains acheteurs de logements ont été mis en cause, les premiers pour la bulle des actions internet du début de la décennie et les seconds pour la bulle immobilière, qui est encore en train de se dégonfler. Mais ce ne sont que des «acteurs» secondaires. L'augmentation du volume des capitaux en quête des investissements les plus rapides et rentables a joué un rôle bien plus grand dans l'apparition de ces bulles.

Au cours des 30 dernières années, la valeur des actifs financiers dans le monde - comme les actions, les obligations et les dépôts bancaires -, est devenue quatre fois plus grande que le produit intérieur brut (PIB) mondial annuel. Le Mckinsey Global Institute estime que ces actifs ont culminé à 194 000 milliards US en 2007. Ils ont certes chuté à 178 000 milliards US fin 2008, mais restent à un niveau beaucoup plus élevés qu'en 1990 (43 000 milliards US) ou en 2000 (94 000 milliards US).

La recherche des plus hauts rendements conduit souvent à miser sur les mêmes types d'investissements. C'est ce genre de comportement moutonnier qui conduit les prix des «produits» concernés à gonfler de manière déraisonnable.

Le professeur Rogoff, comme d'autres experts, estime que des règles plus strictes sur la prise de risques, les rémunérations de Wall Street et l'emprunt sont nécessaires. L'instauration de bonnes pratiques «pourrait retarder l'apparition de la prochaine (bulle) de 50 à 75 ans», selon M. Rogoff.

Les bulles ne datent pas d'hier. Durant la «tulipe-mania» qui saisit la Hollande au XVIIe siècle, cette fleur fut à l'origine d'une bulle brève mais ruineuse. À la fin du XIXe, les actions des chemins de fer américains se sont envolées... avant de dégringoler. Quelques décennies plus tard, Wall Street connut une ascension historique avant le krach de 1929, à l'origine de la Grande Dépression.

Entre la Seconde Guerre mondiale et les années 80, les grandes bulles ont été rares aux États-Unis. Les économies mondiales étaient alors étroitement régulées et le flux des capitaux internationaux limité, note Carmen Reinhart, professeur d'économie à l'Université du Maryland.

La situation est très différente aujourd'hui. Les marchés financiers internationaux sont fortement interconnectés, et le flux des capitaux transfrontaliers a augmenté, rendant l'économie américaine «beaucoup plus sujette aux crises», souligne Mme Reinhart.

Harrison Hong, un économiste de l'université de Princeton, estime que la logique de court terme qui anime les investisseurs les conduit également à oublier la crise précédente. Après l'explosion de la bulle technologique en 2000, il n'a fallu que quelques années pour que les mêmes investisseurs qui avaient perdu de l'argent dans les actions internet se tournent vers l'immobilier alors que les prix des logements augmentaient rapidement. «A mon avis, nous connaîtrons une répétition de ce scénario», prédit M. Hong.