Depuis que le consommateur américain n'est plus le moteur principal de la croissance mondiale, les experts tournent leurs regards vers Pékin, mais cherchent aussi au-delà, sceptiques sur la capacité de la Chine à reprendre pleinement ce rôle.

   «Ce qui remplacera le consommateur américain comme source de la demande n'est pas encore très clair», remarquait lundi à Istanbul le président de la Banque mondiale Robert Zoellick, à l'occasion des assemblées générales de la banque et du Fonds monétaire international (FMI).

   Avant la crise, la division du travail paraissait simple. Les ménages américains s'endettaient pour consommer des produits fabriqués essentiellement en Asie, et surtout en Chine, mais aussi en Europe et dans le reste du monde, tirant ainsi la croissance mondiale. En 2008, les États-Unis ont représenté 13,2% des importations mondiales, d'après l'Organisation mondiale du commerce.

   La crise a rebattu les cartes. «Le taux d'épargne aux États-Unis a considérablement augmenté et pourrait rester élevé quelque temps. Dans un tel scénario, la responsabilité d'alimenter le moteur de la croissance mondiale retombera sur d'autres pays, particulièrement ceux qui avaient un modèle économique basé sur l'exportation», a relevé mardi le directeur général du FMI, Dominique Straus-Kahn. Mais, a-t-il averti, «une telle transition ne sera pas facile».

   L'économie chinoise, clairement désignée par le patron du FMI, est en effet encore loin d'avoir opéré sa mue, même si Pékin a annoncé en novembre son intention d'injecter quelque 4000 milliards de yuans (620 milliards de dollars CAN) sur deux ans pour compenser la chute de ses exportations.

   Faute de système d'assurance sociale développé, les Chinois épargnent beaucoup pour assurer leurs vieux jours. De même, considère l'économiste en chef de la Banque asiatique de développement, Jong-Wha lee, les énormes profits accumulés par les firmes chinoises ne bénéficient guère aux salariés.

   «Les profits des entreprises doivent être réorientés vers les ménages pour les aider à accroître leur consommation», a-t-il souligné, interrogé par l'AFP. En clair, il faut augmenter la rétribution du travail en Chine. Cela permettra aussi à d'autres pays, notamment en Afrique, de se développer, en profitant de la délocalisation attendue de certaines industries chinoises vers des pays devenus plus compétitifs, a souligné mardi M. Zoellick.

   La Chine, qui pourrait connaître dès 2010 des problèmes liés à la très forte croissance de son offre de crédit, ne suffira pas, a-t-il ajouté.

   «Une économie mondiale équilibrée a besoin de plusieurs pôles de croissance, et pas seulement d'ajouter la Chine ou l'Inde. Des pays en Amérique latine, en Asie du Sud-Est et un grand Moyen-Orient peuvent contribuer à l'avenir, s'ils investissent aujourd'hui», a assuré M. Zoellick.

   Mais certains experts estiment qu'il faut se montrer davantage innovants.

   Le nouveau moteur de la croissance peut être obtenu en «adaptant l'économie mondiale au changement climatique», a ainsi estimé le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, lors d'une conférence de presse à Istanbul.

   «Le prix de la tonne de carbone (émise) est égal à zéro alors que le prix correct est autour de 80-100 dollars la tonne. Avec une telle anomalie dans le prix, vous ne pouvez que mal diriger vos ressources», a expliqué M. Stiglitz. Il faut selon lui inciter les entreprises à «investir beaucoup plus dans la fabrication de biens d'équipement en matière de logement ou de systèmes de transport tenant compte du coût social réel du carbone».

   «Si à Copenhague ils parviennent à un accord avec un prix raisonnable du carbone, ce sera l'étape la plus importante dans la reprise économique», a assuré M. Stiglitz.

   La planète a rendez-vous en décembre à Copenhague pour tenter de trouver un accord permettant de lutter contre le réchauffement climatique.