Le Québec et l'Ontario viennent de conclure une entente de libéralisation de leurs échanges commerciaux, dans l'indifférence à peu près totale. Mais l'exercice, qui a autant d'implications politiques qu'économiques, est un pas qui permet d'aller plus loin dans l'intégration des deux plus populeuses provinces du Canada, selon l'Institut économique de Montréal.

«Ce n'est pas un accord parfait, mais il a du bon», résume David Descôteaux, économiste à l'IEM, qui a examiné l'accord et en fait l'analyse dans un texte qui sera publié aujourd'hui.

L'économiste déplore que le commerce de l'alcool entre les deux provinces reste interdit et que les prix des oeufs, du lait et des autres produits agricoles continueront d'être fixés par les mécanismes de gestion de l'offre plutôt que par le marché.

C'est très difficile de s'attaquer à ces vaches sacrées, convient-il, parce qu'il faut faire face à de nombreux groupes d'intérêt.

Malgré ces omissions, auxquelles on peut ajouter le commerce des valeurs mobilières qui divise profondément le Québec et l'Ontario, l'accord qui vient d'être conclu est important, estime David Descôteaux, surtout pour les entreprises qui font des affaires dans les deux provinces.

La mobilité de la main-d'oeuvre sera facilitée pour un plus grand nombre de métiers, une centaine en tout, parce que le permis de travailler dans une province sera reconnue automatiquement dans l'autre, illustre-t-il.

Ce sera le cas dans le secteur financier, confirme le Mouvement Desjardins, qui s'attend à ce que l'accord lui facilite la vie. Les permis nécessaires au Québec seront acceptés en Ontario et vice-versa. «On accueille favorablement cette entente parce qu'elle va favoriser la mobilité de notre main-d'oeuvre», estime Hélène Lavoie, porte-parole du mouvement coopératif.

L'accord négocié par l'ancien ministre des Finances Michel Audet et par Jim Peterson, le frère de l'ancien premier ministre de l'Ontario David Peterson, va aussi plus loin que l'Accord sur le commerce intérieur qui lie les provinces depuis 1995, souligne David Descôteaux.

«Il empêchera de nouvelles barrières commerciales d'apparaître entre les deux provinces, parce qu'une entreprise pourra se plaindre à son gouvernement si ça arrive. Le mécanisme de règlement des différends est aussi plus contraignant et les sanctions financières plus lourdes que dans l'accord pancanadien (10 millions plutôt que 5 millions), précise-t-il.

Le président de l'Institut économique de Montréal, Michel Kelly-Gagnon, se réjouit lui aussi du progrès que représente l'accord conclu entre le Québec et l'Ontario. «Il n'y a rien qui va changer la face de l'humanité, mais il faut réaliser qu'on ne partait pas de zéro», a-t-il commenté. L'Accord sur le commerce intérieur de 1995 avait préparé le terrain, et le Québec et l'Ontario sont allés plus loin.

Selon lui, ce genre d'accord commercial est à la fois un exercice économique, à 55% précise-t-il, et politique, à 45%.

«Ça crée une dynamique sur le plan politique, poursuit-il. Pour ceux qui pensent en termes d'unité canadienne, ça envoie le message que le Canada est un pays qui cherche à avoir une cohésion sur le plan économique.»

Un message est important, estime Michel Kelly-Gagnon parce que «plus c'est tissé serré, plus ceux qui veulent le défaire vont avoir à travailler fort».