La Commission européenne a détaillé lundi les preuves qui l'ont conduite en mai à condamner le groupe américain Intel (INTC) à une amende record pour abus de position dominante, en publiant avec une publicité inhabituelle la version quasi-intégrale de sa décision.

La publication de la décision détaillée est une procédure normale, qui prend toujours un certain temps car elle doit être expurgée des éléments confidentiels.

Mais il est plus rare que Bruxelles annonce par communiqué une telle publication, comme elle l'a fait lundi.

«On a suggéré que notre décision était basée davantage sur des allégations que sur des faits», a expliqué un porte-parole de la Commission pour les questions de concurrence. «Mais avec la publication de cette décision, vous pouvez voir par vous-mêmes les faits précis sur lesquels la décision était basée et la façon dont Intel a enfreint la loi».

Après neuf ans d'enquête, Bruxelles avait infligé mi-mai à Intel, numéro un mondial des micro-processeurs, une amende record de 1,06 milliard d'euros pour avoir illégalement écarté du marché son concurrent AMD.

Intel a fait appel devant la justice européenne, contestant non seulement le montant «disproportionné» de l'amende, mais surtout le fond de la décision: il affirme que Bruxelles a raisonné sur des bases erronées et n'a pas apporté suffisamment de preuves pour ses accusations.

Le document d'un peu plus de 500 pages publié lundi par la Commission répond indirectement à ces accusations en faisant la liste d'une série d'infractions commises par Intel.

Pendant plusieurs années, il a accordé des rabais aux fabricants d'ordinateurs américains Dell et HP, chinois Lenovo et japonais NEC, ainsi qu'au distributeur allemand Media Saturn Holding, qui s'engageaient en retour à acheter ou commercialiser peu voire pas du tout de produits AMD.

Dell (de décembre 2002 à décembre 2005) et Lenovo (en 2007) avaient ainsi accepté de se fournir en micro-processeurs exclusivement chez Intel, NEC (entre octobre 2002 et novembre 2005) de se fournir chez lui à 80% au moins et HP (de novembre 2002 à mai 2005) de lui acheter au moins 95% de ses besoins pour des ordinateurs professionnels.

Le groupe allemand Media Saturn Holding, premier distributeur de PC en Europe avec ses chaînes Saturn et MediaMarkt, s'était également engagé à vendre exclusivement dans ses magasins des PC équipés de processeurs Intel.

Dans tous les cas, Intel menaçait de réduire ses rabais si les engagements, gardés secrets, n'étaient pas tenus.

Selon le document de Bruxelles, HP, Lenovo et le taïwanais Acer ont par ailleurs été payés par Intel pour retarder le lancement de produits équipés de puces AMD.

«Les faits sont clairs: Intel a enfreint la loi» et «le monde peut voir les preuve qu'Intel a essayé de cacher pendant si longtemps», a réagi une porte-parole d'AMD.

Intel de son côté a répété, dans un communiqué, qu'il était persuadé d'avoir «toujours agi légalement».

Il a réaffirmé notamment que Bruxelles avait «ignoré certaines preuves à décharge» et s'était «fortement basée sur des spéculations trouvées dans des courriers électroniques d'employés de bas niveau, qui n'avaient pas participé à la négociation des accords incriminés».

La Commission répond aussi dans le document publié lundi aux accusations d'avoir ignoré certaines preuves à décharge et manqué d'objectivité.

Elle assure avoir mené «une enquête approfondie et équilibrée», basée sur plusieurs perquisitions et une large somme d'informations obtenues de nombreuses sources.