Autre indice que la reprise s'enracine cet été, le secteur privé s'est remis à embaucher en août pour la première fois en 11 mois.

Dans l'ensemble, cela a donné 27 100 emplois de plus d'un océan à l'autre, dont 8300 au Québec, selon les données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada. La majorité des experts s'attendaient à une perte de 10 000 à 15 000 emplois. Le secteur public et la cohorte des travailleurs autonomes ont réduit leurs effectifs alors que les entreprises ont gonflé les leurs de 49 200 personnes, bien qu'on leur ait offert avant tout du travail à temps partiel. Il s'agit de la plus forte hausse d'emplois privés depuis janvier 2008, soit bien avant que le marché du travail canadien décroche en octobre dernier.

Si les entreprises agissent de la sorte, c'est un «signe qu'une reprise économique est en cours au Canada», estime Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale.

Cela n'a pas empêché le taux de chômage de progresser d'un cran au Canada à hauteur de 8,7% et au Québec à 9,1%. Le nombre de personnes à la recherche active de travail a augmenté davantage que celui des nouveaux emplois.

À l'échelle canadienne, 8,7% marque un sommet du taux de demandeurs d'emploi au cours du présent cycle. Il pourrait grimper encore quelques mois et franchir la barre des 9%. «Si du travail à temps partiel vaut mieux que pas de travail du tout, c'est plus facile pour les entreprises de mettre à pied des temps partiels», souligne Jimmy Jean, économiste chez Moody's Economy.com. Il note la nouvelle perte de 3500 emplois à temps plein le mois dernier. Parler d'un vrai redressement du marché du travail suppose à ses yeux trois mois d'affilée de création d'emplois, à majorité à temps plein. En juillet, le Canada en avait perdu 44 500.

Depuis le sommet du marché du travail en octobre, l'économie canadienne a détruit 387 300 emplois, soit 2,3% de son effectif.

Ce chiffre reste en deçà de la réalité, car il s'est créé du travail à temps partiel alors que des débrouillards sont devenus travailleurs autonomes.

Mieux qu'en 1990-1992

Le nombre d'emplois à temps plein perdus se situe plutôt à 486 000, ou 2,9% du total. C'est beaucoup, mais les dommages causés par cette récession sont bien moins grands que durant les épisodes de décroissance de 1990-1992 et de 1980-1982.

Ils restent surtout moins sérieux qu'aux États-Unis où les 216 000 emplois perdus en août portent à 6,9 millions les pertes durant la Grande Récession, soit 5,0% du total.

Aux États-Unis, le taux de chômage s'élève maintenant à 9,7%, un sommet depuis 1983. Si on emprunte la méthodologie américaine pour mesurer le taux de demandeurs d'emploi (à partir de 16 ans plutôt que de 15 de ce côté-ci de la frontière), notre taux se situerait plutôt à 7,9% plutôt qu'à 8,7%.

Il serait fort étonnant que le marché du travail canadien se détériore au niveau des deux récessions de 1990-1992 et de 1981-1982. Le taux de chômage est alors monté jusqu'à 12,1% et 13,0% au Canada et jusqu'à 14% et 15% au Québec.

Les employeurs ont pourtant montré jusqu'ici beaucoup de détermination à protéger leurs bénéfices, ce qui explique que les pertes d'emploi ont été brutales durant les cinq premiers mois de la récession (novembre à mars) avec une suppression mensuelle moyenne de 71 000 postes contre 31 000 en moyenne depuis avril.

Toutefois, les travailleurs qualifiés sont cette fois-ci beaucoup plus rares. Les baby-boomers qui atteignent l'âge de la retraite sont plus nombreux que les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Beaucoup d'employeurs préfèrent donc réduire le nombre d'heures de leurs employés les plus qualifiés plutôt que de les mettre à pied. Voilà sans doute pourquoi on assiste à la création d'emplois à temps partiel en même temps qu'à la destruction de postes à temps plein.

D'autres incitent même des préretraités à reprendre du service. Depuis janvier, on compte 95 000 personnes de plus parmi les 55 ans et plus à détenir un emploi.

Le Québec est fait face à un défi démographique plus grand encore que la plupart des autres provinces. «Dans certains secteurs comme les mines ou la forêt, la moyenne d'âge est de plus de 50 ans, note Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. Le Québec pourrait éprouver des difficultés à recruter la main-d'oeuvre dont il aura besoin pour combler les emplois, situation qu'il rencontrait déjà dans quelques secteurs avant la récession.»

Québec a donc mis en place le Programme de soutien aux entreprises à risque de ralentissement économique. Jusqu'ici, il aura permis de protéger jusqu'à 17 400 emplois, selon le ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale.

RÉCESSIONETCHÔMAGE

Variation de l'emploi au cours des trois dernières récessions

Depuis octobre 2008 1990-1992 1981-1982

Canada -2,30% -3,30% -5,40%

Québec -1,50% -4,10% -7,40%

Ontario -3,10% -6,60% -4,60%

Alberta -2,80% 0,20% -4,20%

C.-B. -2,30% 6,00% -8,30%

Sources : Statistique Canada, Haver Analytics, Banque TD Groupe financier

1 604 900

Le nombre de chômeurs canadiens.

16 807 400

Le nombre de travailleurs canadiens.

9,6%

Taux de chômage à Montréal en août, inchangé par rapport aumois précédent.

> Réagissez sur le blogue de Sophie Cousineau