Le mini baby-boom que vit le Québec comporte une bonne et une mauvaise nouvelle pour les finances publiques. La bonne, c'est qu'il réduira un peu la pression sur les déficits à long terme. La mauvaise, c'est qu'il faudra traverser une longue période difficile avant d'y arriver.

Voilà ce que conclut une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke. Réalisée par cinq chercheurs, dont le fiscaliste Luc Godbout, l'étude met à jour une recherche publiée en 2007 sur l'impact du vieillissement de la population sur les finances du Québec.

La recherche avait fait l'objet du livre Oser choisir maintenant, qui concluait que le Québec se dirigeait vers l'impasse financière d'ici 2051 en raison du vieillissement de la population. L'étude se basait sur les données démographiques de 2003 de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).

L'ISQ a dernièrement produit de nouvelles projections démographiques à la lumière du mini baby-boom. L'indice de fécondité est en effet passé de 1,5 enfant par femme dans le scénario de 2003 à 1,65 dans celui de 2009. Essentiellement, conclut l'ISQ, l'augmentation de l'indice de fécondité et de l'immigration fera en sorte que la population du Québec ne décroîtra plus, mais atteindra jusqu'à 9,2 millions de personnes en 2056, comparativement à 7,8 millions dans le scénario de référence de 2003.

À partir de ces données, la Chaire en fiscalité a refait ses propres projections de déficits dans les années à venir. Conclusion: la vague de personnes vieillissantes est trop forte pour renverser la tendance d'ici le milieu du siècle. Autrement dit, les finances publiques du Québec continueront d'être sous forte pression, malgré les nombreux nouveaux bébés qui naissent.

Ainsi, en 2031, le déficit annuel équivaudra à 2,7% du PIB, soit un niveau identique au scénario précédent. À titre de comparaison, le déficit que prévoit le Québec cette année à cause de la récession, soit 3,9 milliards de dollars, équivaut à 1,3% du PIB.

Cette constance relative des déficits s'explique par les efforts financiers que devra faire le gouvernement pour l'éducation des nouveaux rejetons. En fait, à court terme, soit en 2021, le déficit annuel du Québec pourrait même être plus élevé que dans le scénario précédent, soit 1,3% du PIB comparativement à 0,9%. L'étude présuppose une croissance annuelle du PIB de 1,4 à 1,8%, en moyenne.

C'est à long terme que les nouveaux poupons seront bénéfiques pour les finances du Québec, mais encore, le vieillissement et ses effets sur les dépenses de santé étant inexorables, le déficit continuera de croître.

Ainsi, la Chaire prévoit un déficit annuel équivalant à 4% du PIB en 2051, contre 4,5% pour le scénario pré mini baby-boom. Bref, la situation demeure sombre à long terme, même si la teinte est moins foncée.

En plus de l'explosion des dépenses de santé, le phénomène s'explique par la diminution relative de la population en âge de travailler et donc de rapporter des impôts.

Le ratio de dépendance traduit bien cette situation. Il s'agit du nombre total d'enfants de 19 ans et moins et d'aînés de 65 et plus en pourcentage du nombre d'adultes de 20 à 64 ans. Ce ratio était de 59,2% cette année. Il passera à 84% en 2031 et à 89% en 2051, peu importe qu'il y ait eu ou non de mini baby-boom, selon la Chaire.

Une caisse démographique

Pour éviter l'impasse, disent les auteurs, il faut dès maintenant augmenter les impôts, taxes ou tarifs annuels et verser ces nouvelles recettes dans une sorte de caisse démographique. Les fruits de cette caisse seraient ultérieurement décaissés au profit des générations futures. «La meilleure façon de protéger nos services publics, ce n'est pas de jouer à l'autruche, mais de faire l'écureuil», dit le professeur Luc Godbout.

Avis aux sceptiques: les chercheurs sont optimistes quant aux hypothèses économiques, comme le taux d'emploi, la productivité et le contrôle des dépenses publiques. Pour ceux qui, en désaccord avec les hypothèses, voudraient refaire l'exercice, la Chaire a créé un simulateur accessible sur le site https://pages.usherbrooke.ca/lgodbout/. Bonnes simulations!