La Cour d'appel du Québec a rejeté mercredi l'appel présenté par Power Corporation (t.POW) contre le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC), confirmant ainsi un jugement rendu l'an dernier par la Cour supérieure.

Par cet appel, le conglomérat montréalais cherchait à empêcher la divulgation des états financiers de sa filiale Gesca, propriétaire de plusieurs quotidiens québécois, dont La Presse et Le Soleil, et de ses sous-filiales.

S'appuyant sur une analyse historique de l'article 157 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, le plus haut tribunal du Québec a statué que les actionnaires d'une entreprise avaient le droit de consulter les états financiers de ses filiales et sous-filiales, que ceux-ci soient consolidés directement aux résultats de la société mère ou par le truchement de plusieurs opérations comptables, comme c'est le cas pour Gesca.

«Les tribunaux ne peuvent stériliser l'article 157 sous prétexte d'établir un équilibre plus adéquat entre les actionnaires et les dirigeants; cet exercice a déjà été fait par le législateur fédéral», a écrit le juge Pierre Dalphond dans un arrêt secondé par ses collègues Joseph Nuss et Nicole Duval Hesler.

«Un tel droit à l'information (les états financiers des filiales et sous-filiales) est par essence une mesure devant recevoir une interprétation équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet», a ajouté le magistrat.

La Cour a reconnu que les motivations du MEDAC et de son ex-président, Yves Michaud, étaient «politiques», mais a estimé que cette question n'était pas pertinente dans le cadre du litige.

M. Michaud, indépendantiste de longue date, veut démontrer que Power Corporation «supporte financièrement Gesca et des filiales de cette dernière pour promouvoir la cause fédéraliste», a rappelé le juge Dalphond.

Le juge Dalphond a qualifié de «scénario apocalyptique» l'un des éléments de la défense de Power, à savoir que donner droit à la demande du MEDAC forcerait les sociétés à paliers multiples à «conserver une quantité énorme de documents à leur siège social».

«L'appelante fait face à une telle demande apparemment pour la première fois, a écrit le juge. De plus, en cette ère des données numériques, il serait facile de donner accès à ces informations par un ordinateur situé au siège social.»

Le MEDAC n'est pas le seul groupe à réclamer l'accès aux états financiers de Gesca: le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse et de Cyberpresse souhaiterait également voir les chiffres afin de déterminer si les compressions de 13 millions $ que réclame la partie patronale auprès des salariés sont justifiées.

Joint au téléphone, un porte-parole de Power Corporation, qui a refusé que son nom soit publié, a indiqué que le jugement ne portait que sur des «moyens préliminaires» et qu'une décision sur le fond de l'affaire suivrait plus tard. Il n'a pas pu dire si l'entreprise comptait porter le dossier devant la Cour suprême du Canada, se contentant de dire que les avocats étudient actuellement l'arrêt.

Il a par ailleurs été impossible de joindre Yves Michaud.

L'action de Power Corporation a clôturé mercredi à 27,86 $, en baisse de 1,4 pour cent, à la Bourse de Toronto.