À voir leurs résultats trimestriels divulgués cette semaine, les banques canadiennes se ressentent encore peu de la récession.

Tout un contraste avec leurs vis-à-vis américaines qui subissent l'impact de la récession parmi leurs clients alors qu'elles peinent encore à s'extirper de la pire crise financière en un demi-siècle.

Au Canada, certaines banques comme la Nationale, active surtout au Québec, ont même annoncé un bénéfice record pour leur trimestre terminé le 31 juillet.

 

Et hier, la Banque Scotia a été la cinquième des six principales banques à divulguer un bénéfice trimestriel dépassant les attentes des analystes boursiers.

«Les banques canadiennes n'avaient pas besoin de tels résultats pour rehausser leur réputation déjà enviable dans le monde, avec leur performance depuis deux ans face à la crise financière», a commenté Craig Fehr, analyste bancaire à la firme américaine Edward Jones & Co.

En tout, les six principales banques canadiennes ont engrangé 4,7 milliards de bénéfice durant les mois de mai, juin et juillet.

C'est 13% de plus que la même période l'an dernier, malgré que l'économie ait glissé en récession.

Et alors qu'elles amorcent le dernier trimestre de leur exercice 2009, les banques canadiennes affichent un bénéfice cumulatif en avance de 11% sur l'an dernier, à pareille date.

Certes, leur exercice précédent, terminé au pire de la crise financière de l'automne 2008, fut coûteux en dépréciations d'actifs financiers qui ont amputé les bénéfices.

Et depuis quelques mois, le vif rebond des marchés boursiers et obligataires est très payant pour les filiales boursières des banques.

Elles ont pu s'appuyer sur ce rebond sectoriel de revenus et de profits pour compenser la hausse des provisions pour pertes sur prêts, qui est l'impact habituel d'une récession chez les banques.

Cette équation favorable à court terme a produit des résultats trimestriels qui, manifestement, plaisent aux investisseurs en action de banques.

À la Bourse de Toronto, cette semaine, le gain de 3,6% de l'indice sectoriel des services financiers a éclipsé les autres secteurs.

Et comme ce secteur est le plus influent sur Bay Street, valant le tiers de tout l'indice de marché, il a propulsé un gain hebdomadaire de 1,1% pour le S&P/TSX.

Aussi, le gain de l'indice des services financiers depuis le début de l'année ("36%) devance aisément celui du S&P/TSX ("22%).

Selon des analystes, cette appréciation boursière des banques est mûre pour une pause, sinon un léger repli.

«Le rebond des marchés financiers et la récession modérée au Canada ont été très avantageux pour les banques jusqu'à maintenant. Mais pour la suite, je doute que ce rebond des marchés persiste autant. Aussi, l'économie canadienne risque encore de se détériorer, ce qui forcerait les banques à hausser leurs provisions pour pertes sur prêts», avertit Ohad Lederer, vice-président et analyste bancaire chez Veritas Investment Research, à Toronto.

Services coûteux?

Si les actionnaires des banques se réjouissent de leurs résultats financiers, leurs clients, eux, ont de quoi sourciller face à leurs récentes annonces de profits confortables malgré la récession.

Doivent-ils s'inquiéter de services bancaires trop chers, dans un marché dominé par quelques banques?

Pas nécessairement, si l'on considère l'atout économique pour le Canada de banques plus stables financièrement, répond Peter Routledge, principal analyste bancaire à l'agence financière Moody's, à Toronto.

«Qu'un oligopole de cinq banques domine le marché canadien, et même six avec la Nationale au Québec, leur sert un peu à protéger leur marché et leurs résultats face à la concurrence provenant de l'extérieur. Néanmoins, on ne peut en conclure que les services bancaires au Canada soient plus chers ou moins efficaces que dans les autres économies développées, a expliqué M. Routledge.

«Tout au plus, cet oligopole bancaire limite sans doute un peu leur motivation à innover certains produits de base comme les hypothèques. En contrepartie, on a vu à quels excès peut mener un marché bancaire très concurrentiel comme les États-Unis, avec la crise des prêts subprimes. Des centaines de banques américaines demeurent en difficultés malgré les injections massives de fonds publics».

En contrepartie, selon M. Routledge, la résilience des banques canadiennes face à la crise financière et la récession s'avère un atout important pour la relance de la croissance économique.

«Les banques canadiennes n'ont pas restreint leurs conditions de crédit aux particuliers et aux entreprises autant que ce qu'on a vu aux États-Unis. Or, le crédit est un lubrifiant essentiel de l'économie. C'est l'une des raisons qui expliquent pourquoi la récession est moins forte au Canada qu'aux États-Unis.»

TRIMESTRE RASSURANT POUR LES BANQUES

BANQUE 3e TRIMESTRE 2009 (var. un an) 2009 neuf mois (var. un an)

CIBC 434 millions ("511%) 530 millions ("1,9 milliard)

BMO 557 millions ("7%) 1,14 milliard (-19,6%)

Nationale 303 millions ("6%) 613 millions (-13%)

Royale (RBC) 1,56 milliard ("23%) 2,56 milliards (-25%)

Toronto-Dominion (TD) 912 millions (-8,5%) 2,24 milliards (-20%)

Scotia 931 millions (-8%) 2,64 milliards (-6%)

TOTAUX 4,7 milliards ("13%) 9,7 milliards ("11%)

Source: Banques