Les Américains se remettent à acheter des voitures, les ventes au détail sont en hausse au Canada, les milliards de Washington commencent à faire tourner la grande roue de l'économie... Pourtant, deux institutions financières y sont allées hier de bémols sur la croissance prévue au Canada.

Le premier de ces bémols est une histoire de stocks. La quantité de ces marchandises qui attendent de trouver un acheteur fait dire à l'économiste principal de Desjardins, Benoit P. Durocher, que «d'autres corrections des stocks vont être nécessaires dans les prochains mois».

Dans une mise à jour de leurs prévisions économiques publiées hier, les économistes de Desjardins estiment que, comme les entreprises voudront vider leurs entrepôts avant de se remettre à produire et à embaucher, «il faut s'attendre à ce que les difficultés du marché du travail se poursuivent jusqu'au début de 2010».

Ainsi, ils ont révisé à la hausse, mais légèrement, leur appréciation de l'économie canadienne. Au lieu d'une baisse de 0,8% du PIB au troisième trimestre, ils s'attendent maintenant à un recul de 0,3%.

Aux États-Unis, l'amélioration est plus claire: de -0,3% à +1,0% pour les mois d'automne. «Aux États-Unis, la correction des stocks est beaucoup plus avancée», explique l'économiste au bout du fil.

Au Québec, l'équipe de Desjardins estime que la relance «se manifestera d'ici la fin de 2009».

Pour l'ensemble de 2009, aux côtés des États-Unis, du Canada, et de l'Ontario, c'est le Québec qui fera «moins pire», avec un recul de 1,7% de son économie, selon Desjardins, contre une baisse de 2,5% dans l'ensemble canadien.

Pour 2010, par contre, le premier de classe devient le cancre du groupe, avec une reprise faiblarde de 1,5%, contre 1,6% en Ontario, 1,7% aux États-Unis et 2% au Canada.

Autre bémol, les Américains

Cette prévision de 2% pour le Canada est aussi celle de Benjamin Tal et Meny Grauman, de la CIBC, ce qui représente, précisent-ils, à peine la moitié de la croissance prévue par la Banque du Canada. Ils expliquent cet écart par la façon de calculer l'impact au Canada des retombées du plan de relance d'Obama, car cette reprise, contrairement à toutes les autres depuis la Deuxième Guerre mondiale, sera basée non pas sur les dépenses des consommateurs, mais sur celles de l'État.

En moyenne, ont-ils calculé, ces consommateurs ont ajouté 3 points de pourcentage à l'économie dans l'année de la sortie de la récession. Cette fois-ci, ce sera à peine 0,4 point. Les dépenses gouvernementales, elles, compteront pour le double, à près d'un point de pourcentage.

«Comme le secteur public sera la principale bougie d'allumage de l'économie américaine l'an prochain, toute étude de la croissance du PIB canadien doit porter son attention sur le plan d'Obama et s'il est favorable au Canada», écrivent-ils.

Leur réponse est loin d'être encourageante. D'abord, il y a les fameuses clauses Buy America, qui empêcheront les entreprises canadiennes d'obtenir certains contrats qui découleront du plan de 787 milliards. Ça, on le savait déjà.

Ensuite, plus intéressant, il y a les secteurs visés par le plan de relance. Or, ceux-ci importent moins du Canada que d'autres, avec environ 1,7% de leurs intrants provenant du Canada. C'est un tiers de moins que dans l'économie américaine en général.

«Par exemple, écrivent les auteurs, une grande partie des bénéfices iront aux secteurs de la santé, de l'éducation et gouvernementaux américains, qui importent tous peu du Canada.»

Et les taux?

D'autres économistes de la CIBC prédisent que la Banque du Canada n'aura pas à hausser son taux directeur avant 2011. Selon Avery Shenfeld, économiste en chef à la banque, la récession de 2009 est déjà peut-être finie. Mais «les dégâts qu'elle a laissés dans son sillage viendront tempérer la croissance et l'inflation au Canada l'an prochain».

Selon lui, l'inflation au Canada n'empêchera pas la banque centrale de respecter sa promesse de maintenir les taux d'intérêt à un quart de point jusqu'au milieu de 2010.

«En fait, écrit-il, les prévisions des marchés quant à une hausse des taux au cours du premier semestre de 2010 pourraient avoir été annoncées pas moins d'une année trop tôt.»