Au lendemain de l'annonce étonnante de la Banque du Canada selon qui nous sommes sortis de récession, beaucoup de confusion subsiste sur ce que signifie la reprise.

D'un point de vue économique et technique, c'est tangible : la taille de l'économie se remet à épaissir. De là à ce qu'elle retrouve sa superbe d'antan, il y a toutefois plusieurs crans de ceinture à desserrer. Si les prévisions de la Banque s'avèrent, c'est dans un an environ que le volume de biens et services produits au pays, ce qu'on appelle le produit intérieur brut, aura retrouvé le sommet du cycle précédent atteint il y a un an.

La Banque fonde cependant son scénario sur l'hypothèse que la valeur moyenne du dollar canadien sera de 87 cents américains d'ici là. Ces jours-ci, il se négocie au-dessus des 92 cents US, ce qui risque de freiner la croissance des exportations, de l'aveu du gouverneur Mark Carney.

Hier, le ministre des Finances Jim Flaherty a déclaré «être d'accord» avec les propos du gouverneur. Ni un ni l'autre n'ont cherché à dramatiser le phénomène cependant, comme M. Carney l'avait fait en juin après la plus rapide poussée mensuelle du huard de son histoire

Le taux de change reflète aussi la force de l'économie canadienne. «Plus il sera fort, plus sera forte la demande pour nos matières premières et plus leurs prix seront élevés», souligne Jean-Pierre Aubry, économiste-conseil et fellow associé du CIRANO.

Cela a aussi pour effet d'accroître le revenu intérieur brut réel, une mesure du pouvoir d'achat.

Cette dynamique a d'ailleurs prévalu de 2003 à 2007. Tandis que le secteur manufacturier subissait les premières salves de l'appréciation du huard, les Canadiens consommaient davantage et les coffres des gouvernements se remplissaient.

Cette fois-ci, c'est un peu différent. La rapide ascension du huard n'est pas mue seulement par la force des prix de l'énergie et des produits de base. Elle reflète aussi la faiblesse du dollar américain, ce qui n'aide en rien le Canada.

Taux de chômage

Pour les victimes de la récession, la reprise sera tangible quand la recherche d'un emploi sera redevenue une sinécure. En janvier 2008, le taux de chômage avait atteint un creux historique de 5,8 % au Canada. Un an après, il avait grimpé à 7,2 %. Le mois dernier, il était rendu à 8,6 % et il devrait franchir la barre des 9,0 % avant la fin de l'année. Le retour à 5,8 % ne se fera pas de sitôt.

Cela peut choquer quand on voit ces jours-ci que les entreprises ont renoué au deuxième trimestre avec les profits plus vite qu'on s'y attendait. «Il est clair que les suppressions d'emplois préventives et des plus agressives ont en contrepartie généré des bénéfices surprenants, fait remarquer Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO marchés des capitaux. Cela peut irriter quelques sensibilités quand le taux de chômage s'approche des 10 % aux États-Unis. La réalité, c'est que chaque reprise de l'après-guerre a été précédée d'un rebond de la part des profits dans le revenu national.»

Ne l'oublions pas, l'économie était en récession des deux côtés de la frontière au printemps. Cela sera confirmé la semaine prochaine avec les données provisoires du PIB américain pour l'ensemble du deuxième trimestre et les données du PIB de mai au Canada.

Aux États-Unis, l'économie devrait avoir reculé de moins de 2 %, vers sa stabilisation, si on compare ce chiffre à la chute de 5,5 % de l'hiver.

Pour le Canada, il faut s'attendre à un repli mensuel de 0,3 % à 0,5 %. C'est pire qu'en avril, mais cela correspond à la fermeture des usines de Chrysler et à la perte de 58 700 emplois. Les données préliminaires de juin sont plus encourageantes.

Le recul de mai se reflète aussi dans les finances publiques. Pour avril et mai, Ottawa accuse un déficit de 7,5 milliards. Rien de dramatique, nuance Avrey Shenfeld, économiste en chef chez CIBC. «Ce sont les pires mois d'activité économique de l'année budgétaire (d'avril à mars) et les fluctuations mensuelles peuvent être énormes d'une année à l'autre».