En reportant hier sans surprise son taux directeur comme prévu à son plancher de 0,25%, la Banque du Canada en a profité pour bonifier ses prévisions économiques.

Son nouveau scénario, dont les détails et les fondements seront connus jeudi avec la publication du Rapport sur la politique monétaire (RPM), table maintenant sur une décroissance de 2,3% cette année, suivie d'une reprise de 3% en 2010 et de 3,5% en 2011.

Dans son scénario du mois d'avril, la Banque estimait l'ampleur de la récession en cours à une décroissance de 3% cette année, mais les résultats moins mauvais que prévu au premier trimestre et une reprise hâtive l'amènent à alléger son pronostic.

«De plus en plus de signes indiquent maintenant que l'activité économique a commencé à se redresser dans de nombreux pays par suite de mesures de relance monétaire et budgétaire et des actions menées afin de stabiliser le système financier international, lit-on dans le communiqué faisant part de sa décision. Toutefois, la reprise commence à peine.»

La Banque donne aussi son appréciation de la situation canadienne: «L'adoption de politiques monétaire et budgétaire expansionnistes, l'amélioration des conditions financières, le renchérissement des produits de base et le regain de confiance des ménages stimulent la croissance de la demande intérieure.»

Plusieurs économistes ont vu dans ces propos un optimisme prudent qu'ils sont prêts à partager.

«Notre banque centrale a dit que la reprise commence. Nous sommes d'accord», affirme Sébastien Lavoie, économiste à Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

«La perspective plus lumineuse pour le reste de l'année est fondée. L'économie américaine paraît en direction d'une croissance modeste au troisième trimestre, commente Avery Shenfeld, économiste en chef à CIBC. Les ménages canadiens voient aussi davantage la vie en rose. En conséquence, nous modifions notre propre scénario en faveur d'un retour de la croissance au Canada dès le présent trimestre plutôt qu'à compter du prochain.»

Surprise pour 2010

Pour 2010, la Banque crée une franche surprise. À 2,5%, son scénario de croissance du mois d'avril était perçu comme très optimiste par la plupart des observateurs. Elle le porte à 3%. Pour 2011, elle le révise à la baisse: de 4,7%, elle ramène l'expansion à un rythme plus soutenable de 3,5%.

En avril, la Banque avait réduit le potentiel de l'économie canadienne pour l'année en cours et l'an prochain à 1,5% et celui de 2011 à 1,9% seulement, compte tenu de la fermeture définitive de beaucoup d'usines. Le potentiel de croissance correspond à une expansion maximale sans surchauffe.

Au rythme où elle voit maintenant la reprise, l'écart entre la production réelle et la production potentielle sera comblé dès le milieu de 2011. C'est aussi à ce moment qu'elle pense que le rythme d'inflation aura retrouvé sa cible de 2% après un plongeon en territoire négatif au cours du présent trimestre.

En principe, c'est aussi à ce moment que le taux directeur doit être revenu au taux plus neutre de 4% à 5%.

Pourtant, les autorités monétaires semblent à l'aise de répéter leur engagement à le maintenir à 0,25% jusqu'au deuxième trimestre de l'an prochain «sous réserve des perspectives concernant l'inflation».

«Si la reprise économique est aussi forte que ce qu'anticipe la Banque, la porte pourrait progressivement s'ouvrir à un resserrement un peu plus rapide de la politique monétaire», fait valoir Mathieu D'Anjou, économiste principal chez Desjardins.

«À supposer que l'économie soit revenue à son plein potentiel en juin 2011 et qu'il s'écoule 18 mois entre le moment où la politique monétaire change et celui où l'effet s'en fait sentir dans l'économie, on pourrait faire valoir que juin 2010 semble être une date bien tardive pour commencer à normaliser le taux de financement à un jour, suggère Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. À moins, bien sûr, de procéder à quelques hausses d'un demi-point.»

Huard

La Banque souligne cependant que l'appréciation de notre monnaie et la restructuration de certaines industries peuvent modérer le rythme de la reprise et de l'inflation.

Son commentaire sur le huard est moins inquiétant que celui du 4 juin, où elle considérait sa force d'alors comme susceptible de compromettre à elle seule le redressement économique.

«Le gros de l'appréciation du dollar canadien reflète des forces fondamentales. Une intervention (NDLR: pour la ralentir) serait inappropriée», estiment Derek Holt et Karen Cordes, économistes à Scotia Capitaux.

La Banque ne fait enfin aucune allusion au recours possible à des mesures non traditionnelles d'allégement monétaire ou du crédit, sinon en répétant qu'elle dispose d'une «flexibilité considérable» dans la conduite de la politique monétaire.

En chiffres

0,25% : L'actuel taux directeur de la Banque du Canada devrait demeurer inchangé d'ici juin 2010, affirment les autorités monétaires.

-2,3% : Contraction prévue de l'économie canadienne cette année, selon la Banque, qui prévoyait un taux négatif de -3% en avril dernier.

2% : L'inflation au pays reviendra à ce taux au cours du deuxième trimestre 2011, prévoit la banque centrale, qui a rapproché de trois mois le retour de l'inflation à son taux «cible».