Cela peut paraître paradoxal, mais si le taux annuel d'inflation est plongé en territoire négatif en juin pour la première fois en 15 ans, c'est à cause du recul du prix de l'essence depuis juillet 2008. Et si l'indice des prix à la consommation (IPC) a progressé au cours de cinq des six premiers mois de l'année, c'est aussi largement à cause du prix de l'essence!

En juin, le taux annuel d'inflation au Canada s'établissait à -0,3 %, indiquait hier Statistique Canada. Les prix reculaient dans quatre provinces, stagnaient dans deux autres et augmentaient encore dans quatre. Au Québec, le rythme annuel d'inflation était de 0,2 %, en hausse d'un dixième. Il s'agit d'une première plongée en territoire négatif depuis novembre 1994. Cette année-là Ottawa avait sabré dans sa taxe sur le tabac afin de diminuer la contrebande de cigarettes. Sinon, il faut remonter à 1955 pour observer une baisse du taux annuel d'inflation.

De mai à juin cependant, l'IPC a progressé de 0,3 % à l'échelle du pays et de 0,5 % dans sa société distincte. D'avril à juin, le taux d'inflation canadien a même avancé de 1,1 % en rythme annualisé, signe indéniable qu'une baisse généralisée des prix n'est pas dans les cartes.

Et pour confondre les sceptiques les plus aguerris, l'indice de référence (IPCX) de la Banque du Canada voguait le mois dernier à 1,9 %, soit à un dixième près de la cible visée par les autorités monétaires, mais à trois dixièmes de plus que sa prévision d'avril.

«C'est la preuve irréfutable que le Canada ne traverse pas une période de déflation, même si l'inflation totale est passée sous zéro», résume Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

En juin dernier, le prix du litre d'essence ordinaire vendu en libre service s'élevait en moyenne à 1,36 $ d'un océan à l'autre, selon l'agence fédérale. Le mois dernier, le prix moyen était de 1,02 $, soit 24 % de moins.

Les prix ont commencé à chuter en deuxième moitié de juillet jusqu'à leur creux de 76 cents le litre en décembre. Depuis, ils remontent. Ce jeu de bascule devrait garder le taux annuel d'inflation en territoire négatif durant quelques mois.

«La glissade de l'inflation dans le rouge est presque entièrement une histoire d'énergie, résume Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO marchés des capitaux. Sans elle, l'IPC progresse de 2,1 %.»

Au cours de la dernière année, les prix des biens ont reculé de 2,7 % alors que ceux des services qui représentent les deux tiers de l'IPC progressaient de 2,0 %. Les prix des aliments étaient en hausse de 5,5 %, tandis que ceux de l'énergie plongeaient de 19 %. Hors énergie et aliments, le taux annuel d'inflation s'élevait à 1,3 %, inchangé par rapport à mai.

Sur une base mensuelle, seuls les prix du logement et des vêtements et chaussures ont reculé. Le prix des transports, qui accuse encore un recul annuel de 7,7 % a grimpé de 2,3 %.

Même le prix des voitures a recommencé à monter. «C'est un signe que les concessionnaires se sentent moins désespérés à mesures qu'ils voient fondre leurs stocks», fait observer Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC.

De fait, l'inflation est bel et bien de retour, bien que son rythme ne soit pas alarmant. La faiblesse de l'économie canadienne va continuer d'exercer des pressions à la baisse sur les salaires tout en privant les détaillants de toute velléité d'augmenter les prix. En outre, si la force du huard face au billet vert devait persister, les prix des biens importés du sud ne devraient guère augmenter.

Reste que l'IPCX et l'inflation des services s'activent. Depuis mars, le premier trotte à 2,5 % et la seconde caracole à 3,7 % en chiffres annualisés, fait remarquer Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. «Le taux officiel réel (d'inflation) semble être très bas pour ces taux officiels de base.»