Benoît XVI appelle à un nouvel ordre financier mondial guidé par l'éthique, la dignité et la recherche du bien commun dans la troisième lettre encyclique de son pontificat, Caritas in Veritate (L'amour dans la vérité), publiée mardi.

Dans ce texte de 144 pages, le pape dénonce la mentalité du profit à tout prix dans l'économie mondialisée et regrette que l'appât du gain soit à l'origine de la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 30.

«Le profit est utile si, en tant que moyen, il est orienté vers un but», écrit-il. La recherche exclusive du profit, «s'il est produit de façon mauvaise ou s'il n'a pas le bien commun pour but ultime, risque de détruire la richesse et d'engendrer la pauvreté».

Le document, fruit de deux années de travail, et retardé à plusieurs reprises pour tenir compte de la crise économique actuelle, a été rendu public à la veille du sommet du G8 à L'Aquila (Italie), consacré notamment à la lutte contre cette crise internationale.

La publication du document semble destinée à influer sur les dirigeants des huit pays les plus industrialisés pour qu'ils corrigent les erreurs du passé et dessinent les contours d'un ordre financier mondial plus juste et responsable socialement. «Pour fonctionner correctement, l'économie a besoin de l'éthique; non pas d'une éthique quelconque, mais d'une éthique amie de la personne», souligne la première encyclique de Benoît XVI dans le domaine social.

Tout en reconnaissant que la mondialisation «a tiré de la misère des milliards de personnes», Benoît XVI impute également à la forte croissance des dernières années des problèmes sans précédent, comme des flux massifs de migration, la dégradation de l'environnement et une perte de confiance dans le marché mondial.

Il exhorte les pays riches à accroître leur aide au développement des pays pauvres pour aider à éliminer la faim dans le monde, ajoutant que la paix et la sécurité en dépendent. L'aide doit notamment aller au développement de l'agriculture, précise-t-il.

Dans le même temps, Benoît XVI demande que les pays industrialisés réduisent leur consommation d'énergie pour préserver l'environnement et permettre aux plus pauvres d'avoir accès aux ressources énergétiques. «L'une des plus importantes tâches de l'économie est précisément l'utilisation la plus efficace des ressources, et non leur abus, sans jamais oublier que la notion d'efficacité n'est pas (...) neutre.»

Appui aux syndicats

Le pape note également que le phénomène de l'externalisation du travail vers les entreprises les moins chères met en danger les droits des travailleurs, et il demande que ceux-ci puissent s'organiser en syndicats pour se défendre.

Benoît XVI appelle à un ordre financier nouveau qui respecte la dignité des travailleurs et recherche le bien commun en faisant passer l'éthique et la responsabilité sociale avant les profits. «Il faut surtout que l'objectif de faire le bien ne soit pas opposé à celui de la capacité effective à produire des biens», explique-t-il. «Les opérateurs financiers doivent redécouvrir le fondement véritablement éthique de leur activité afin de ne pas faire un usage abusif de ces instruments sophistiqués qui peuvent servir à tromper les épargnants.»

Benoît XVI précise qu'il n'est pas opposé à la mondialisation, estimant qu'elle possède un potentiel sans précédent de redistribution des richesses, à condition d'être menée correctement. Mais, ajoute-t-il, si elle est conduite de manière inappropriée, elle peut aussi augmenter la pauvreté et les inégalités et provoquer le type de crise que le monde connaît actuellement.

«La troisième encyclique de Benoît XVI m'apparaît d'abord comme un formidable message d'espérance», a commenté mardi le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France. Ce message est que «l'humanité a la mission et les moyens de maîtriser le monde dans lequel nous vivons», a-t-il ajouté.

Pour Kirk Hanson, un professeur d'éthique à l'Université de Santa Clara, aux États-Unis, ce texte pourrait susciter un débat sur le capitalisme et la justice sociale.

Le pape avait déjà publié deux encycliques: Deus Caritas est (Dieu est amour) en 2006, dont le thème central est l'amour, et «Spe Salvi» (sauvés par l'espérance) en 2007, dans lequel il fustige l'athéisme.