Les institutions financières de la planète doivent presser le pas dans le nettoyage de leurs bilans, a insisté lundi le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn.

«Le processus est beaucoup trop lent et c'est probablement là le plus important risque à une reprise en 2010», a déclaré M. Strauss-Kahn dans un discours prononcé à la Conférence de Montréal, qui s'est ouverte lundi.

«Il y a encore beaucoup de pertes qui n'ont pas été divulguées, a-t-il souligné. Il reste encore beaucoup de choses à faire au cours des prochains mois.»

Lors d'une brève conférence de presse, l'ancien ministre socialiste français a assuré qu'il ne visait pas spécifiquement l'Europe, qui a pourtant fait l'objet de critiques à cet égard.

Le FMI continue de prévoir le début de la reprise économique mondiale à la fin de l'année et les premiers trimestres de croissance positive dans la première moitié de 2010.

«La reprise n'arrive jamais avant que le nettoyage du bilan du secteur financier ne soit terminé», a prévenu Dominique Strauss-Kahn, en s'appuyant sur les 122 crises bancaires, petites et grandes, que le FMI a connues depuis sa création, en 1944.

Les gouvernements doivent donc se pincer le nez et continuer d'aider les institutions financières, même si l'opinion publique s'y oppose du fait que le secteur est à l'origine de la crise actuelle.

Pour M. Strauss-Kahn, il n'y a pas de doute: la crise économique aurait été bien pire sans la concertation, fût-elle imparfaite, des banques centrales et des gouvernements nationaux.

«Jamais dans l'histoire économique de nos pays, il y a eu autant de nations menant au même moment la même politique pour les mêmes objectifs et atteignant le même but», s'est-il félicité, espérant que l'on retiendra de l'expérience des derniers mois que les acteurs politiques disposent du pouvoir d'influencer positivement les marchés.

Dans les pays développés, le défi sera désormais de juguler les déficits budgétaires massifs qui découleront des plans de relance.

Évidemment, la situation est bien pire pour les pays en développement, qui continuent de souffrir d'un manque de disponibilité du crédit en dépit du fait que les gouvernements, comme c'est notamment le cas au Mexique et en Pologne, ont mis en place les bonnes politiques économiques. Le problème est dû, entre autres, au repli des grandes banques occidentales vers leurs marchés nationaux.

«C'est une nouvelle forme de protectionnisme plus compliquée à combattre, mais qui a aussi des conséquences dramatiques», a déploré le chef du FMI.

Si la crise devait persister, elle deviendrait une «question de vie ou de mort» qui pourrait conduire à des troubles sociaux, voire à des guerres civiles, a prédit l'économiste. Selon des chiffres de la Banque mondiale, 50 millions de personnes sombreront dans la pauvreté cette année à cause de la crise.

Le Fonds monétaire doit vendre sous peu plus de 400 tonnes métriques de ses réserves d'or afin de financer jusqu'à 6 milliards $ US en prêts à taux zéro aux pays les moins développés.

Système d'alerte

L'organisation compte toujours aller de l'avant avec un système d'alerte précoce afin de réagir plus rapidement lors des prochaines crises. Dominique Strauss-Kahn a reconnu que plusieurs pays étaient réticents à un tel concept, puisqu'il pourrait attirer l'attention sur des lacunes à des moments inopportuns, par exemple à la veille d'élections, alors que les partis au pouvoir ne veulent pas faire de vagues.

«Tout le monde veut collectivement le système d'alerte précoce, mais personne ne veut véritablement qu'on mette le doigt sur son pays ou sur un groupe de pays en disant 'ici, il peut y avoir un problème demain'», a-t-il expliqué.

M. Strauss-Kahn a néanmoins promis d'aller de l'avant avec cette idée d'ici l'automne.

N'ayant pas peur des pronostics audacieux, l'homme de 60 ans a avancé que la crise allait bouleverser «l'équilibre du pouvoir entre les nations», sans élaborer davantage.

Il s'est par ailleurs inquiété que la fin de la crise mette un frein à l'étroite collaboration internationale à laquelle on assiste depuis quelques mois en matière économique.

Banque mondiale

Aussi présent à Montréal lundi, le président de la Banque mondiale, l'Américain Robert Zoellick, a pour sa part estimé que la gestion canadienne de la crise financière pouvait constituer un exemple à suivre par d'autres pays.

«Le solide attachement du Canada au libre-échange et à la lutte contre le protectionnisme donne un signal fort à ses voisins et partenaires à travers le monde», a-t-il dit.

M. Zoellick sera mardi à Ottawa, où il rencontrera le premier ministre Stephen Harper et signera une entente concernant la contribution canadienne à un programme mondial de liquidités.