L'agent d'élite Sam Fisher et le noble italien Ezio Auditore di Firenze sont très attendus à Los Angeles cette semaine.

Les deux vedettes des suites des jeux vidéo Splinter Cell et Assassin's Creed accompagnent leurs créateurs d'Ubisoft Montréal au grand salon E3 (Electronic Entertainement Expo), passage obligé des grands joueurs de l'industrie. Et pour le studio montréalais, le E3 2009 est sans conteste le plus capital de son histoire.

«Aucun autre studio dans le monde ne compte autant de produits et autant de marques fortes à ce E3, dit le PDG d'Ubisoft Montréal, Yannis Mallat. C'est extrêmement important pour nous. C'est stratégique.»

Ubisoft présentera les premières images en action du cinquième jeu de la franchise Splinter Cell (Conviction), dont les quatre titres précédents ont été vendus à 19 millions d'exemplaires.

Le studio fera également une démonstration d'Assassin's Creed 2, une suite qui doit chausser de grands souliers: 8 millions d'unités du jeu original ont trouvé preneurs, ce qui en fait la nouvelle franchise la plus populaire de la décennie.

Un autre projet d'envergure risque de faire parler du studio montréalais. Il s'agit d'Avatar, jeu créé en parallèle avec le nouveau film de James Cameron (son premier depuis Titanic, en 1997).

Ubisoft profitera du E3 pour faire la démonstration du jeu en stéréoscopie, c'est-à-dire en trois dimensions (avec les fameuses lunettes).

En plus, Ubisoft Montréal sera en vedette dans les conférences de presse officielles des fabricants Sony et Microsoft, aujourd'hui et demain.

Le tournant

Ce sera donc un E3 très intense et très significatif pour Ubisoft Montréal jusqu'à la fin du salon, jeudi.

«Le E3, c'est la grand-messe, dit Sébastien Puel, producteur d'Assassin's Creed 2. C'est la première fois que tu montres ton produit au public et c'est le tournant d'une production.»

Mais le défi est énorme. «Il faut présenter quelque chose de représentatif plusieurs mois avant la sortie du jeu, explique le producteur de Splinter Cell Conviction, Alexandre Parizeau. En cinq minutes, on droit montrer les personnages, l'histoire, les innovations.»

Dans les dernières semaines, les producteurs et leurs équipes ont travaillé très fort pour bâtir la démonstration qui fera foi de tout - et que les développeurs répéteront des dizaines de fois pendant le salon, en temps réel. La Presse Affaires leur a demandé s'ils rêvaient à leurs personnages. «Je ne dors même pas», a répondu à la blague M. Parizeau.

À travers la masse des dizaines de milliers de joueurs, journalistes et acheteurs présents au Centre des congrès de Los Angeles, l'objectif est toujours le même: que le jeu fasse parler de lui sur le plancher du salon.

«Un bon E3, ça électrise l'équipe de production», souligne Alexandre Parizeau.

Entre 180 et 300 personnes travaillent à chacun des jeux dont la sortie est prévue à l'automne, à temps pour la période des Fêtes.

La révolution Avatar

En ce qui concerne Avatar, on ne laisse filtrer que peu d'information, comme c'est le cas pour le film. On veut empêcher toute fuite.

La Presse Affaires n'a pu visiter les locaux de production du jeu, sorte de petit bunker à l'intérieur des locaux montréalais d'Ubisoft. Pour des raisons de sécurité, l'équipe de production utilise un réseau informatique distinct.

Mais à en croire Yannis Mallat, ce sera marquant.

«Avatar va marquer l'industrie par sa relation entre le jeu et le film, explique-t-il avec un enthousiasme non dissimulé. C'est le premier pas d'Ubisoft pour montrer la convergence possible entre les deux médias. Le jeu va amener un complément au film.»

Cette vision a forcé un mode de production différent des autres jeux vidéo inspirés de films. Il a vraiment été conçu en parallèle.

«On a passé du temps précieux avec James Cameron et son équipe pour comprendre l'univers d'Avatar.»

Juste après l'entrevue, M. Mallat devait d'ailleurs s'entretenir au téléphone avec Jon Landau, producteur de Titanic et d'Avatar.

Quant à la stéréoscopie (le jeu 3D), Yannis Mallat croit que cela représente l'avenir du jeu vidéo. «Ça apporte quelque chose au jeu de manière hallucinante. C'est comme le CD par rapport au vinyle.»

Mais avant que la stéréoscopie n'envahisse les foyers (qui peut aujourd'hui compter sur un téléviseur 3D?), il y a une crise économique à traverser. Et un bénéfice net en baisse de 37% chez Ubisoft pour l'exercice 2008-2009.

Mais Yannis Mallat reste optimiste: «Il faudra attendre de voir l'ensemble de 2009 pour bien comprendre les effets de la crise sur notre industrie, dit-il. Sauf qu'Ubisoft est bien positionnée, elle a de bons flux de trésorerie, une bonne valorisation. Et ses concurrents ne sont pas en aussi bonne posture.»

Quant au studio montréalais, la crise n'a pas compromis ses objectifs de croissance. Le plan prévoit toujours 3000 emplois à Montréal en 2013, contre 1800 aujourd'hui (sans compter les 200 employés à Québec).