Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Martin Roberge, de Valeurs mobilières Dundee.

Q: Quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La bonne tenue des profits des entreprises, notamment dans le secteur bancaire. De façon générale, les investisseurs avaient sous-estimé le fort redressement de leur productivité au premier trimestre. Mais la reprise des marchés des capitaux, l'augmentation des marges sur prêt et la forte réduction des coûts depuis un an ont finalement porté fruit.

 

Q: Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Principalement, les intentions de crédit dans le secteur financier. Le crédit est le carburant qui permet à l'économie de rouler. Sans crédit, il faut oublier les espoirs de reprise économique annoncée par les indicateurs économiques avancés tels les indices manufacturiers et la confiance des ménages.

Aux États-Unis, la demande de crédit demeure anémique. Mais les banques sont de moins en moins frileuses. Depuis deux mois, la titrisation (regroupement de prêts sous forme de titres financiers ensuite revendus à des investisseurs) a fortement rebondi, en partie grâce au plan d'Obama.

Q: Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'aime la Bourse canadienne, car sa ventilation sectorielle me donne presque tout ce que je recherche: beaucoup de matériaux pour profiter de l'industrialisation des pays émergents; des aurifères pour se protéger contre les risques d'inflation; et pas trop de titres défensifs.

Plus précisément, j'investirais 60% à la Bourse, 20% dans les matières premières et 20% en revenus fixes. Dans le 60% à la Bourse, je concentrerais mes investissements dans les secteurs de l'énergie (XEG), des matériaux (XMA), de la technologie (XIT et SMH-US) et de la biotechnologie (IBB-US). Pour le 20% en ressources naturelles, j'irais avec un panier de matières premières (DBC-US) et de l'or (GLD-US). Pour les revenus fixes, le 20% serait investi en obligations de société (XCB).

Q: Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les actions des fournisseurs de services de télécommunication au Canada, à cause de l'érosion de leurs abonnés et de l'augmentation de la concurrence. Aussi, les épiciers sont en train de se faire coincer. Le prix des denrées recommence à monter et ils ne sont plus capables de refiler les augmentations à la clientèle.

Q: Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les investisseurs sous-estiment l'impact de la dépréciation du dollar américain. Cela va favoriser les grandes exportatrices américaines, qui deviennent plus concurrentielles face aux européennes du jour au lendemain. Cela gonfle automatiquement leurs profits réalisés à l'étranger, lorsqu'ils sont convertis en dollars US. On sentira l'effet positif sur leurs bénéfices durant la deuxième moitié de l'année.

Q: Quelle erreur les investisseurs ne doivent pas commettre?

Le gros problème des investisseurs, c'est qu'ils demeurent US-centriques. Ils restent les yeux rivés sur les statistiques économiques américaines. C'est fini ce temps-là! On vient de passer à autre chose. Les pays émergents représenteront peut-être les deux tiers de la croissance de l'économie mondiale, au cours des cinq prochaines années. Il faut vraiment regarder ce qui se passe outre-mer.

Déjà, les économies asiatiques et européennes donnent des signes de récupération beaucoup plus tangibles que les indicateurs américains. Il semble que l'économie redécollera plus vite là-bas, alors que tout le monde tablait sur l'inverse. On croyait que les États-Unis redémarreraient en premier, car l'État avait agi plus rapidement (plan de relance, baisse des taux d'intérêt, etc.). Finalement, la structure des économies européennes (moins sensibles à la consommation, moins secouées par les pertes d'emplois) fait en sorte qu'elles sont plus résilientes à la récession.

Martin Roberge s'est joint à Valeurs mobilières Dundee en 2007. À titre de stratège et d'analyste quantitatif, il élabore des stratégies de répartition d'actifs et de rotation sectorielle pour les clients institutionnels et particuliers de la firme de courtage.