Le groupe américain de médias Time Warner va se séparer de sa filiale internet AOL, qui sera mise en Bourse avant la fin de l'année, mettant ainsi un point final à l'un des rapprochements les plus désastreux de l'histoire de la finance moderne.

Les actions d'AOL seront distribuées aux actionnaires actuels de Time Warner, selon un communiqué publié jeudi par l'entreprise, qui ne recueillera donc aucun bénéfice particulier de cette opération.

Pour effectuer l'opération, Time Warner va porter sa participation dans AOL à 100%, en rachetant à Google les 5% qu'il détient.

Le groupe avait indiqué fin avril étudier une scission «d'une ou plusieurs parties de l'activité d'AOL», transférée aux actionnaires actuels du groupe, «via une seule ou plusieurs transactions».

Il a finalement choisi de se séparer de la filiale dans son ensemble.

«Nous estimons qu'une séparation est la meilleure solution tant pour Time Warner que pour AOL», a commenté le PDG Jeff Bewkes.

Pour Time Warner, l'opération apportera une nouvelle occasion de se recentrer sur les contenus, a-t-il expliqué, après la scission de son activité câble, effective depuis fin mars.

Mais pour les analystes de BMO Capital Markets, ce sera aussi la fin d'un «cauchemar permanent depuis quelques années, alors que le nombre d'abonnés (d'AOL) se dégradait et que les recettes publicitaires ralentissaient de manière dramatique».

Time Warner avait racheté l'ancienne America On Line en 2001, avec l'ambition de réaliser de puissantes synergies entre «anciens» et «nouveaux» médias. L'opération valorisait AOL 165 milliards de dollars et avait accordé aux actionnaires de la jeune pousse internet 55% du capital de la société fusionnée.

Mais dès 2002 et l'éclatement de la «bulle internet», le groupe a dû déprécier massivement dans ses comptes la valeur d'AOL: le groupe avait alors enregistré une perte nette colossale de 99 milliards de dollars, et les pertes des activités internet continuent encore aujourd'hui de plomber les comptes de l'ensemble.

«Devenir une société indépendante cotée place AOL en position de renforcer son coeur de métier, de fournir des produits et services nouveaux et innovants et améliore nos possibilités stratégiques», a avancé le PDG d'AOL, Tim Amstrong, débauché de Google en mars pour prendre les rênes de la filiale.

«Nous avons un travail énorme devant nous», a-t-il cependant reconnu.

AOL, qui a touché à son zénith les 30 millions d'abonnés, souffre d'une désaffection continue des internautes, ayant opté très tard pour le haut débit et la gratuité de ses services. Il avait attendu 2006 pour ouvrir des comptes courriels gratuitement, des années après Google et Yahoo!.

Il est resté depuis loin derrière ses rivaux dans la course aux revenus publicitaires, proportionnels au trafic des internautes.

Selon des données récentes du cabinet spécialisé e-marketer, AOL se plaçait en février au cinquième rang du classement des plus gros sites internet aux États-Unis, en termes de visiteurs uniques, derrière Google, Yahoo!, MSN (Microsoft) et YouTube.

Ces dernières années, Time Warner a pourtant multiplié les initiatives pour relancer sa filiale, avec le rachat du site de socialisation Bebo l'an dernier, la vente de la participation à Google, ou encore l'exploration d'une alliance avec Yahoo!.

Selon Saul Hansell, du blog spécialisé dans les nouvelles technologies du New York Times, le groupe a redoublé d'efforts depuis un an pour trouver un repreneur, en courtisant Yahoo! ou Microsoft. En vain.

«AOL se dirige vers l'inconnu», estime M. Hansell. «La dernière fois que la société était indépendante, elle était une vedette. Désormais, elle n'est plus qu'une société internet d'âge moyen avec des revenus sur le déclin et des histoires à raconter sur ses prétendants d'autrefois.»