À la surprise générale, la plus grande démocratie du monde s'est donné un gouvernement stable il y a une semaine aux 15es élections législatives indiennes. Et de Montréal à Bombay en passant par Bangalore, le milieu des affaires a le sourire aux lèvres.

Les manchettes économiques des journaux indiens sont balayées par un véritable vent d'optimisme depuis une semaine. Monnaie qui prendra de la valeur, Bourse lancée sur une nouvelle trajectoire, réformes économiques qui arriveront en accéléré: dans la boule de cristal, les plus beaux rêves sont permis.

«Nous prévoyons que le nouveau gouvernement déclenchera un grand nombre de réformes qui permettront de revenir à un taux de croissance de 9%», a dit HP Singhania, président de la Fédération des chambres de commerce et de l'industrie de l'Inde, au lendemain du résultat des élections (on estime que la croissance de l'Inde a chuté à 7,1% pour l'année fiscale qui vient de se terminer à cause de la crise économique mondiale).

Cet enthousiasme a un nom: Manmohan Singh. M. Singh est l'ancien ministre des Finances de l'Inde qui a instauré une pléiade de mesures économiques pendant les années 90, permettant au pays d'afficher l'une des croissances économiques les plus spectaculaires du globe.

Manmohan Singh est premier ministre de l'Inde depuis 2004. Et le 16 mai dernier, son parti, le Parti du Congrès, a complètement écrasé ses adversaires pour rafler un nombre de sièges beaucoup plus important que prévu aux élections générales.

Cette victoire franche, une surprise pour les observateurs qui prédisaient un Parlement fragmenté, change la donne. Lors de son premier mandat, le Parti du Congrès était à la tête d'une fragile coalition de partis et devait gouverner par compromis, notamment en négociant avec des partis de gauche peu ouverts au libéralisme économique.

Mais cette fois, les 262 sièges remportés par le Congrès et ses alliés lui permettront d'avoir les coudées franches. Le Congrès pourra gouverner sans l'appui des partis de gauche, qui sont passés de 61 à 24 sièges.

Lundi dernier, la Bourse de Bombay a littéralement explosé, gagnant 17% en une seule journée. L'euphorie a été tellement vive qu'il a fallu suspendre les transactions deux fois pendant la journée. Le Sensex a redescendu depuis, les investisseurs encaissant leurs profits. Mais l'optimisme demeure.

Morgan Stanley prédisait jeudi que la monnaie indienne, qui a connu la semaine dernière sa plus forte hausse depuis 13 ans, pourrait franchir le seuil de 46 roupies pour 1$US d'ici à la fin de l'année (elle est actuellement a 47,2 roupies après sa récente hausse, et Morgan Stanley prédisait avant l'élection qu'elle terminerait l'année à 53). Parmi les réformes envisagées, Rashesh Shah, chef de la direction d'Edelweiss Capital Ltd., a affirmé à l'agence Bloomberg que le gouvernement indien pourrait privatiser jusqu'à 20 milliards US d'actifs publics.

L'enthousiasme s'est fait sentir jusqu'à Montréal, où sont établies plusieurs entreprises qui font des affaires en Inde.

«Nous pensons que l'optimisme actuel en Inde permettra au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire avancer les réformes économiques», dit Circé Labelle, chef de service aux communications pour la montréalaise CGI.

CGI, spécialisée dans les technologies de l'information, possède des centres d'excellence à Bombay, Bangalore et Hyderabad.

«En général, les multinationales, y compris CGI, sont en faveur des réformes, et nous croyons que le gouvernement fera d'importants investissements dans les infrastructures et l'éducation, ce qui sera directement favorable à nos membres en Inde et indirectement à notre entreprise», continue Mme Labelle.

«Je pense que, pour la première fois, nous aurons en Inde un gouvernement libre de barrières idéologiques. Il n'y aura pas d'entrave aux réformes. Ce verdict électoral signifie que le gouvernement peut décider de son programme très rapidement», a aussi dit Nandan Nilekani, cofondateur du fleuron local Infosys et véritable légende vivante à Bangalore, la capitale techno du pays.