Depuis le début de l'année, le milieu du cinéma vit comme plusieurs de ses superhéros: dans un monde parallèle.

Dans ce monde parallèle, la récession n'existe pas. Ce qui explique pourquoi le box-office au Canada et aux États-Unis est en hausse de 14% depuis le début de l'année. À ce rythme, il pourrait dépasser la marque de 10 milliards de dollars en 2009 - une première dans l'histoire du septième art. Le box-office québécois ne fait pas exception à la règle. En hausse de 18%, il pourrait aussi battre un nouveau record en 2009.

«Le malheur des uns fait le bonheur des autres, philosophe Marcel Venne, président de l'Association des propriétaires de cinémas et cinéparcs du Québec (APCCQ) et propriétaire des Cinémas RGFM à Joliette, Drummondville et Sorel. Les gens veulent se changer les idées à bon prix. Si je vais aux vues à 10$ au lieu d'un show de Madonna à 400$, j'ai passé un bon deux heures aussi...»

 

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Il faut dire que l'industrie nord-américaine du cinéma n'a pas l'habitude de souffrir de la récession. Au contraire. Selon une étude de l'Association nationale des propriétaires de cinémas, le box-office a été en hausse lors de cinq des sept années de récession depuis 1965. Dans le milieu du septième art, personne ne croit qu'il s'agit d'une coïncidence. «La crise nous aide psychologiquement. Les gens ne veulent plus dépenser 150$ pour un souper au restaurant alors qu'une sortie au cinéma peut coûter 30$», dit Vincent Guzzo, vice-président des Cinémas Guzzo, dont les revenus dans ses 12 complexes et 150 écrans sont en hausse de 28% cette année par rapport à 2008.

Même son de cloche chez son concurrent Cinéplex Divertissement, qui vient de connaître le meilleur trimestre financier de son histoire. «Le cinéma est une forme de divertissement abordable et pour tous les âges», dit Daniel Séguin, vice-président de l'exploitation au Québec de Cinéplex Divertissement, le plus important exploitant de la province avec 22 complexes et 231 salles.

Vrai, les superhéros du grand écran n'ont pas l'habitude d'être embêtés par la récession. Mais la hausse de l'achalandage au box-office ne s'explique pas seulement par le marasme économique qui affecte la planète. Hollywood a aussi son mot à dire dans ses succès. «Le cinéma a beau être un divertissement à bon marché, ce n'est pas une aubaine si les films ne vous intéressent pas», résume Patrick Corcoran, directeur des communications de l'Association nationale des propriétaires de cinémas, qui représente 30 000 salles aux États-Unis, au Canada et dans 48 autres pays.

Selon Simon Beaudry, le président de l'agence Cinéac, l'été 2009 se distingue par son nombre de «valeurs sûres». Par valeurs sûres, le comptable du box-office québécois veut surtout dire des suites. Avec X-Men, Star Trek, Transformers, Terminator, Harry Potter - et pourquoi pas, le symbologiste Robert Langdon du film Anges&Démons - les héros du box-office sont déjà bien connus des cinéphiles. «C'est une tendance aux États-Unis, dit Patrick Roy, président et chef de la direction du distributeur Alliance Vivafilm. Les films coûtent cher et les risques sont grands. Les suites permettent de réduire les risques, même s'il n'y a rien de garanti au cinéma.»

Mais rendons à Hollywood ce qui revient à Hollywood. Après avoir vu plusieurs de leurs franchises traditionnelles battre de l'aile, les studios les ont revampées en misant sur l'audace. «Il y a eu une réflexion sur les films à franchise, dit Patrick Roy, président et chef de la direction d'Alliance Vivafilm. Avant, les recettes diminuaient lors des suites. Maintenant, les chiffres remontent. Ça prouve que les gens redonnent un nouveau souffle à la franchise.»

L'exemple le plus frappant de cette transformation? La franchise Batman, dont les deux derniers films plus noirs du réalisateur Christopher Nolan ont fait fureur au box-office. Au point où The Dark Night est devenu le deuxième film le plus payant de l'histoire du box-office nord-américain derrière Titanic. «Cette année, le dernier Star Trek est complètement différent des films précédents, dit Patrick Roy. On a redonné vie à la franchise Star Trek, qui était sur le déclin.»

Selon l'agence Cinéac, le box-office québécois pourrait récolter un nouveau record de 215 millions de dollars cette année si les cinéphiles continuent de fréquenter les cinémas aussi assidûment. Certains propriétaires de cinémas sont toutefois sceptiques sur la possibilité de battre les 212 millions de dollars récoltés en 2003. Vincent Guzzo fait valoir que la programmation estivale ne compte pas de méga-blockbuster comme The Dark Knight. «Nous avons plutôt trois ou quatre excellents films, dit le vice-président des Cinémas Guzzo. Pour cette raison, je serais content d'égaler nos chiffres d'été de l'an dernier.»

Autre obstacle avant l'établissement d'un nouveau record au box-office: la reprise prévue par certains économistes à l'automne. «Après une récession, on paye habituellement pour! La consommation de films est un phénomène cyclique, dit Marcel Venne. Quand vous vous êtes gavés de films comme il faut, vous prenez ensuite un petit repos...»