Que faire quand on cherche en vain du travail? Trouver plutôt des clients.

Voilà ce qu'ont fait 37 000 Canadiens le mois dernier. Leur débrouillardise a permis de stabiliser le taux de chômage à 8,0%, le niveau le plus élevé en sept ans, révèlent les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. Sans ces initiatives, l'économie aurait plutôt détruit 38 100 emplois.

Cette prise en main a confondu les observateurs qui avaient parié sur une nouvelle hémorragie de quelque 50 000 emplois.

 

Le dollar canadien a monté en flèche, gagnant plus d'un cent et demi contre le billet vert. Sa poussée a curieusement commencé à Londres plus d'une demi-heure avant la publication des données de l'EPA. La possibilité d'une fuite survenue pendant le huis clos des journalistes a incité l'agence fédérale à tenir une enquête interne.

«La plupart des gens ne sont pas vraiment attirés par les avantages qu'offre la situation de travailleur autonome, note Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Ils sont plutôt obligés de considérer cette option puisque les offres d'emploi traditionnel ne courent pas les rues.»

Plus du tiers de ces nouveaux entrepreneurs (13 000) se retrouvent au Québec, la province qui a le mieux fait avec la création nette de 22 400 emplois. Le taux de chômage y a cependant monté d'un dixième à 8,4%, en raison d'une augmentation plus grande encore du nombre de ceux et celles qui ont joint les rangs de la population active.

En fait, la confiance et la détermination des Québécois à trouver du travail tranchent avec ce qui se passe dans l'ensemble du Canada. Depuis janvier, 19 200 personnes étaient à la recherche active d'un emploi dans la société distincte.

Dans le reste du Canada, la population active s'est appauvrie de 1800 personnes.

L'optimisme relatif des Québécois dans la présente récession paraît justifié.

Depuis octobre, qui marque le sommet du marché du travail, le nombre de détenteurs d'emploi a diminué de 0,8% ou 32 800 personnes. Sans minimiser le drame vécu par les personnes privées soudainement de leur gagne-pain, force est de constater la résilience de notre marché du travail.

Depuis octobre, l'économie canadienne a détruit 320 700 jobs, soit 1,9% de l'ensemble, dont plus de la moitié en Ontario.

Durant les récessions de 1990-1992 et de 1981-1982, la proportion d'emplois disparus au Québec avait dépassé la moyenne canadienne. «Le marché du travail québécois continue d'étonner et de résister assez bien», constate Pascal Gauthier, économiste chez Banque TD Groupe financier qui compare mois après mois le marché du travail des provinces dans la présente tourmente.

Les choses pourraient bien changer au cours des prochains mois, prévient cependant Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. «L'Indice précurseur Desjardins demeure négatif et présage que la récession sera en cours au Québec pour encore trois à six mois.»

Le tournant entre un marché du travail qui détruit et un qui crée des emplois est atteint quand l'entreprise privée embauche davantage qu'elle ne licencie. En avril, elle a encore réduit ses effectifs de 10 400 personnes, dont la moitié au Québec. C'est cependant bien moins que les 67 000 en moyenne des trois mois précédents.

«Il y a une lueur d'espoir dans le fait que la diminution de l'effectif salarié dans le secteur privé était le plus faible depuis le début de cette récession», observe Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Si on utilise la méthodologie américaine qui ne compte la population active qu'à partir de l'âge de 16 ans (contre 15 pour Statistique Canada), notre taux de chômage passe de 8,0% à 7,1% seulement.

Aux États-Unis, il a grimpé de 8,5% à 8,9% de mars à avril, selon les données du département du Travail. Encore 539 000 personnes ont perdu leur emploi. Cela porte la cohorte des victimes de la récession à 5,6 millions et le taux de chômage à un sommet en 25 ans.

«Cela montre que nous sommes toujours au milieu d'une récession qui a mis des années à venir et qui prendra des mois ou même des années à s'en aller», a commenté le président Barack Obama. Il s'est engagé à modifier les règles de l'assurance emploi pour ne plus pénaliser ceux qui retournent aux études pour se perfectionner.