BCE a épargné tellement d'argent grâce à son «plan de 100 jours» qu'elle n'aura pas besoin de revoir ses cibles à la baisse cette année, a fait valoir hier le grand patron du groupe, George Cope.

Cette confiance de Bell Canada Entreprises tranche net avec l'annonce faite hier par son grand concurrent, Telus. La société albertaine a réduit de 350 millions de dollars ses prévisions de revenus pour 2009, en raison de «l'aggravation de la situation économique» au pays.

George Cope, à l'opposé, estime que toutes les mesures mises en place pendant les 100 premiers jours de son mandat qui a commencé en juillet dernier - notamment l'abolition de 3500 postes - ont donné une bouffée d'oxygène à BCE.

«Nous croyons maintenant avoir la flexibilité nécessaire pour maintenir nos cibles de BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement)», a-t-il dit en marge de l'assemblée des actionnaires, à Toronto.

Cope, confiant dans les progrès de l'entreprise, cherche en quelque sorte à marquer une rupture avec les deux dernières années remplies de turbulences. Mais les actionnaires et employés du conglomérat montréalais n'ont pas tourné la page.

Une vive frustration a marqué la plupart des interventions au micro pendant l'assemblée d'hier.

La faible valeur du titre de BCE en Bourse, le recours à la sous-traitance et les salaires des dirigeants gonflés aux stéroïdes en 2008 ont fait l'objet de plusieurs commentaires émotifs.

Un actionnaire a ainsi dénoncé les primes versées l'an dernier à plusieurs hauts dirigeants pour la «fermeture du capital» de BCE, même si le rachat par Teachers' et ses partenaires a avorté. Les six principaux leaders de BCE se sont partagé 43 millions en salaires et primes l'an dernier, dont 21 millions pour le président sortant Michael Sabia.

«Le prix de l'action est aujourd'hui plus bas qu'il ne l'était quand Michael Sabia est entré en poste! a lancé l'actionnaire. Comment peut-on récompenser cette absence de leadership?»

Thomas O'Neil, nouveau président du conseil de BCE, a tenu à rappeler que tout le monde a été pénalisé par l'échec de la transaction, qui aurait totalisé 51,7 milliards. Les patrons comme les travailleurs.

Nancy Carmichael, chez Bell Canada depuis 35 ans, a pour sa part déploré que le conseil ait écarté une proposition qui visait à réduire la rémunération des dirigeants et administrateurs. La moindre des choses, selon elle, dans le contexte de compressions qui prévaut ces jours-ci chez Bell.

«Vous demandez beaucoup à vos employés, mais vous n'êtes pas prêts à faire vous-même un effort, a-t-elle lancé. Quel message leur envoyez-vous?»

Le Mouvement de défense et d'éducation des actionnaires (MEDAC) a par ailleurs présenté une série de propositions, presque toutes rejetées par le conseil. Celle portant sur un nouveau «vote consultatif» a toutefois été adoptée à 93%. Les actionnaires pourront ainsi se prononcer sur la politique de rémunération des dirigeants de BCE dès 2010.

Virgin Mobile

Peu avant l'assemblée, BCE a annoncé le rachat des 50% de Virgin Mobile qu'elle ne possédait pas. La transaction, réalisée au coût de 142 millions de dollars, permettra à l'entreprise de mieux affronter les nouveaux concurrents qui devraient entrer dans le paysage canadien du sans-fil au cours des prochains mois, espère George Cope.

Virgin - qui vise surtout une clientèle frugale - sera distribué à large échelle dès janvier dans les 750 magasins La Source que BCE a récemment acquis.

«Nous sommes à la traîne de nos concurrents en termes de distribution, mais nous serons maintenant à leur niveau», a dit M. Cope pendant l'assemblée.

BCE a aussi publié hier ses résultats pour le premier trimestre de l'exercice financier 2009. Les revenus ont reculé de 0,5%, à 3,6 milliards. Et le bénéfice net a atteint 377 millions, ou 48 cents par action, en progression par rapport aux 258 millions (32 cents) engrangés l'an dernier.

L'analyste Greg MacDonald, de la Financière Banque Nationale, a jugé cette performance satisfaisante. «Cela vient démontrer le bien-fondé des éléments de stratégie que les dirigeants ont dévoilés pendant la conférence des investisseurs de février», a-t-il écrit dans un rapport.

Les marchés ont reçu ces résultats avec un grain de sel. Le titre de BCE a clôturé en baisse de 1,17$, à 24,90$ hier, à la Bourse de Toronto.