Les dizaines de millions versés l'an dernier aux dirigeants de BCE - et tous leurs chèques de paie à venir -devraient faire l'objet de nombreux débats ce matin à l'assemblée annuelle du groupe à Toronto.

Si tout se déroule comme prévu, Bell Canada Entreprise adoptera aujourd'hui le principe du «vote consultatif» sur la rémunération des membres de sa haute direction. Les actionnaires pourront ainsi se prononcer sur les règles qui déterminent les salaires et autres primes des leaders de BCE.

Ce changement arrivera à point pour le conglomérat. Le mois dernier, la divulgation des sommes empochées en 2008 par les six principaux dirigeants - 43 millions de dollars au total - a soulevé la controverse. Le président sortant, Michael Sabia, s'est vu octroyer à lui seul 21 millions de dollars.

Cette rémunération comprend des primes liées à la «fermeture du capital» de BCE... même si le rachat par Teachers' et ses partenaires a avorté en décembre! Une pluie de dollars qui a choqué au plus haut point les syndiqués du groupe. «Tout le monde a crié, c'est dur à avaler», confie un technicien à l'emploi de Bell depuis 30 ans, qui a demandé à garder l'anonymat.

La pilule est d'autant plus amère que la vaste majorité des employés de BCE sont aussi actionnaires. Or, 100$ injectés dans la société en 2003 valaient seulement 107$ au 31 décembre dernier, en supposant que tous les dividendes ont été réinvestis. Cela se compare à 123$ pour l'indice composé S&P/TSX et 130$ pour l'indice S&P Global 1200 des services de télécommunications, nous apprend la circulaire de procuration.

L'adoption du nouveau vote consultatif sur la rémunération pourrait agir comme un baume, même léger, sur les plaies des actionnaires et travailleurs. Il devrait entrer en vigueur dès 2010.

Ce vote n'aura aucun pouvoir coercitif sur les membres du comité de rémunération du conseil, mais il les incitera à plus de retenue, croit Louise Champoux-Paillé, administratrice du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires. «Je suis sûre que ça va changer des choses au cours des prochaines années.»

George Cope dans la ligne de mire

En plus de discuter des salaires, les dirigeants de BCE dévoileront aujourd'hui les résultats du premier trimestre de l'année financière 2009. L'entreprise a essuyé une perte nette de 48 millions au quatrième trimestre de l'an dernier.

Tous les regards seront tournés vers le nouveau PDG, George Cope, nommé en juillet. Ce spécialiste du sans-fil s'attendait à prendre les rênes d'une entreprise retirée des marchés boursiers, mais il a dû se rajuster quand le rachat par Teachers' a avorté en décembre après 18 mois de péripéties.

«La plupart des analystes sont très prudents et attendent de voir comment George Cope va redresser l'entreprise», souligne Troy Crandall, analyste chez McDougall, McDougall&MacTier.

Greg MacDonald, analyste à la Financière Banque Nationale, se dit néanmoins rassuré par la stratégie de BCE, dévoilée en février, de gérer de façon plus serrée ses coûts d'exploitation, sa dette et ses dépenses en capital. Surtout dans l'environnement difficile et très concurrentiel que traverse le secteur des télécoms.

«Selon nous, tant que les difficultés du marché vont persister, BCE fera mieux que les autres sociétés de ce secteur», écrit M. MacDonald dans un rapport au ton assez optimiste.

Le titre de BCE a connu une variation du simple au double pendant la dernière année. L'action a grimpé à un sommet de 40,29$ en septembre dernier - tout près du prix de rachat de 42,75$ offert par Teachers' - et dégringolé à 20,49$ le 12 décembre, au lendemain de l'échec de la transaction.

L'analyste Troy Crandall vise un cours cible de 27,50$ d'ici 12 mois, et souligne que l'action pourrait faire mieux.