La Réserve fédérale américaine (Fed) estime que les quelques signes observés de stabilisation de l'économie l'autorisent à ne pas accélérer la création d'argent, pour le moment.

En conséquence, son Comité de politique monétaire (FOMC) a choisi à l'unanimité de reconduire pour la troisième fois la fourchette de négociation de 0 à 0,25% de son taux cible de financement à un jour «pour une durée étendue».

 

Le FOMC maintient aussi tel quel son programme d'allégement du crédit de 1450 milliards US au moyen d'achats de titres hypothécaires et d'obligations émis par les sociétés en tutelle Freddie Mac et Fannie Mae, annoncé le 18 mars.

Il maintient aussi le programme de 300 milliards US d'achats d'obligations du gouvernement. Cette dernière mesure dite d'assouplissement quantitatif équivaut à monétiser la dette américaine ou à augmenter la quantité d'argent en circulation.

La Fed justifie ce statu quo par le fait que si «l'économie continue de se contracter», «le rythme paraît un peu plus lent».

Elle ajoute cependant que «si les perspectives se sont améliorées modestement depuis mars, ce que reflète en partie un certain assouplissement des conditions des marchés financiers, l'activité restera sans doute faible un moment».

La Fed avait pris connaissance quelques heures auparavant des données préliminaires de la décroissance réelle du produit intérieur brut au cours du premier trimestre. La taille de l'économie a diminué de 6,1%, selon le département du Commerce, soit bien davantage que ce à quoi les observateurs s'attendaient. Au dernier trimestre de 2008, l'économie s'était amincie de 6,3%.

Durant l'hiver cependant, on pouvait déceler deux notes encourageantes. Les dépenses de consommation des ménages étaient à la hausse pour la première fois en un an. Le déstockage des entreprises a aussi été brutal. Dès que les signes de croissance se manifesteront, il faudra vite reprendre la production.

Ce sont de tels indices que le président de la Fed, Ben S. Bernanke, avait qualifié de «jeunes pousses» de la reprise plus tôt ce mois-ci.

Reste à savoir quand elles fleuriront.

Voilà pourquoi la Fed s'est peut-être laissé le temps de respirer. Elle s'est d'ailleurs gardé les coudées franches: «Le Comité va continuer d'évaluer le moment et l'ampleur de ses achats de titres à la lumière de l'évolution des perspectives économiques et des conditions des marchés financiers.»

Les intervenants du marché obligataire ont accueilli fraîchement ce statu quo. Plusieurs avaient parié sur l'annonce de l'augmentation des achats d'obligations à long terme du Trésor, compte tenu de l'énormité de la dette à financer cette année. Seulement la semaine prochaine, Washington compte en émettre pour 71 milliards US.

Selon l'agence Bloomberg, la Fed a jusqu'ici acheté pour 73,7 milliards US de titres de dette américaine depuis le 25 mars. Le programme d'achat des titres de Fannie et Freddie est aussi peu entamé.

«Le maintien des cibles annoncées en mars laisse à la Fed le potentiel de s'immiscer encore grandement dans les marchés», observe Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins.

Cette relative prudence pousse à la hausse le taux des obligations américaines venant à échéance dans 10 ans. Ils ont franchi la barre des 3,0% hier.

L'achat d'une partie de la dette américaine avait pour objectif de faire baisser les taux d'intérêt à long terme et, partant, les taux de la dette hypothécaire et corporative qui évoluent en parallèle afin de relancer les activités de prêts et contenir tout risque de déflation. Le taux d'inflation était négatif en mars pour la première fois depuis 1955.

L'assouplissement énergique pratiqué par la Fed porte fruit quand même. L'écart entre les coûts d'emprunt du Trésor et celui des banques sur un horizon de trois mois est passé de 4,64 points de pourcentage dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers l'automne dernier à 0,91 point seulement hier.

«La Fed voit toujours de jeunes pousses et croit que l'économie va commencer à rebondir plus tard cette année», estime Sherry Cooper, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux. Elle note cependant que son communiqué ne fait aucunement mention des risques économiques liés à l'épidémie de grippe porcine... un élément encore bien difficile à jauger.