La Banque du Canada évalue que le premier trimestre que nous venons de traverser a été le pire depuis 1961 avec une décroissance probable de 7,3% du produit intérieur brut (PIB). La taille de l'économie rapetissera encore de 3,5% au cours du printemps et de 1% l'été prochain, prévient-elle, car les entreprises ont mis du temps à ajuster leurs stocks à la réduction de la demande.

Le déstockage freinera la croissance au cours des prochains trimestres. L'automne venu, le Canada renouera avec une expansion soutenue. Pour l'ensemble de l'année, la décroissance sera de 3%.

 

Ce scénario figure parmi les plus pessimistes publiés jusqu'ici. Celui du Fonds monétaire international (FMI) par exemple, qui n'est pas rose non plus, table sur un recul de 2,5% du PIB canadien.

Si la situation devait être plus sombre encore, la banque sera toutefois prête à activer la planche à billets et à acheter des titres de dettes fédérales ou corporatives. Le recours, si nécessaire, à ces moyens d'assouplissement monétaire et du crédit ne sera pas signalé avant la prochaine date d'annonce fixe du taux directeur, le 4 juin.

La banque pourrait alors indiquer «si elle a l'intention de mettre en oeuvre un programme d'achats d'actifs» et «l'ampleur approximative du programme en question».

Dans son Rapport sur la politique monétaire (RPM) semestriel publié hier, la banque réitère que l'économie va rebondir, bien que de façon plus graduelle que ce qu'elle avait envisagé en janvier. Elle estime qu'elle dépassera même son potentiel de croissance dès l'an prochain.

L'institution précise cependant que des changements structurels entraînent la mise au rancart de moyens de production, en particulier dans les industries de l'automobile et de la forêt, qui ne sont pas compensées encore par de nouveaux investissements.

En conséquence, elle diminue considérablement le potentiel de croissance de l'économie canadienne, c'est-à-dire le taux optimal d'expansion sans surchauffe. Pour l'année en cours, il est ramené de 2,4% à 1,5% seulement. Pour l'an prochain et 2011, il est ramené de 2,5% à 1,9%.

Son évaluation du potentiel avoisinait 3% avant l'éclatement de la crise du crédit à l'été 2007.

Le potentiel étant plus faible, l'écart de production que creuse la présente récession sera moins grand à combler.

Les mesures non conventionnelles

Le recours possible à des mesures d'assouplissements monétaire et du crédit avait attisé beaucoup d'attentes chez plusieurs économistes. Elles auront été déçues car la banque s'est contentée de dévoiler le cadre général de sa mise en oeuvre.

Elle décrit les trois voies non conventionnelles que l'atteinte de sa cible d'inflation pourra emprunter, étant donné qu'elle a désormais abaissé son taux directeur à son niveau plancher de 0,25%.

Cela passe avant tout par la communication sans équivoque de la trajectoire à moyen terme de son taux directeur. C'est ce qu'elle a fait mardi en précisant qu'il demeurera à 0,25% au moins jusqu'à la fin du deuxième trimestre de l'an prochain. Cette transparence porte fruit, à ses yeux, puisque la courbe des taux obligataires s'est déjà aplatie quelque peu pour les échéances de deux ans.

Si besoin est, la Banque du Canada pourra aussi acheter directement des titres de dettes du gouvernement canadien ou du secteur privé. «Les marchés visés seraient ceux dont la «défaillance» manifeste (attestée par exemple par la persistance de primes de liquidités excessives) a des effets macroéconomiques importants», précise-t-elle dans le RPM.

Ces transactions pourront être financées soit par assouplissement quantitatif, ou selon la métaphore en activant la planche à billets, soit par assouplissement du crédit. Dans ce cas, l'achat de titres pourra être financé en imprimant de l'argent, en vendant d'autres actifs détenus par la banque ou en utilisant le produit de dépôts supplémentaires faits par le gouvernement canadien.

La banque veut agir sur la courbe des taux des obligations du Canada «dans les échéances les plus susceptibles de maximiser l'effet des interventions dans l'économie». C'est dans la fourchette de deux à cinq ans que le gros du marché des prêts hypothécaires se situe au Canada. C'est donc dans cette fourchette qu'elle pourrait acheter, si nécessaire, des titres fédéraux, alors que c'est plutôt les échéances plus longues que vise la Réserve fédérale américaine (Fed), compte tenu des caractéristiques du marché hypothécaire aux États-Unis.

En pouvant infléchir les taux, la banque crée des conditions favorables à l'accroissement du crédit, à la relance de la croissance et à la progression du taux d'inflation vers sa cible de 2,0%.

L'indice des prix à la consommation ralentit rapidement depuis l'été au point d'entrer en territoire négatif prochainement sans pour autant qu'il faille craindre une déflation caractérisée par la baisse générale des prix.

«L'ampleur des interventions de la Banque du Canada serait guidée par une appréciation prudente des mesures nécessaires pour produire l'amélioration souhaitée des conditions financières», dit-elle.