L'économie canadienne continue de sabrer des emplois, mais à un rythme moins brutal, tandis que quelques teintes de regain percent la grisaille.

La perte nette de 61 000 emplois d'un océan à l'autre, tous à temps plein de surcroît, a porté le taux de chômage de 7,7% à 8,0%, de février à mars, indiquait jeudi Statistique Canada. Ces mauvais chiffres font suite aux saignées de 129 000 et 82 600 jobs de janvier et février.

 

Ensemble, ils représentent la pire perte trimestrielle en 26 ans. Ce record ne devrait pas se répéter toutefois, grâce à l'entrée en vigueur des vastes programmes d'investissements gouvernementaux dans les infrastructures, comme en témoignent les innombrables déviations qui apparaissent sur les ponts et chaussées depuis le début d'avril.

Le mois dernier, l'hémorragie a surtout été concentrée en Alberta et en Colombie-Britannique, toutes deux fort ébranlées par la chute du prix des produits de base et de leurs mises en chantier résidentielles.

Au Québec, il s'est perdu encore 4600 emplois le mois dernier, poussant à la hausse le taux de demandeurs d'emploi de quatre dixièmes, soit davantage que pour l'ensemble du Canada.

Dans la société distincte, la population active, c'est-à-dire celle qui détient ou recherche activement un emploi, a augmenté au cours du mois alors qu'elle a diminué dans l'ensemble du pays et surtout en Alberta et en Colombie-Britannique où le moral des travailleurs en prend pour son rhume.

Dans la province hôte des Jeux olympiques d'hiver de 2010, le niveau d'emploi a reculé de 3% depuis le début de la récession, contre 2,1% pour l'ensemble du Canada et 1,4% au Québec, selon les calculs de Pascal Gauthier, économiste chez Banque TD Groupe financier. «Le Québec s'en tire mieux jusqu'ici», note-t-il.

Cela paraît d'autant plus significatif que, si le marché du travail de la province de l'Ouest avait été aussi le plus éclopé des deux précédentes récessions, celui du Québec avait alors eu peu de quoi se consoler.

L'Alberta n'est pas non plus au bout de ses peines. La province affichera un déficit budgétaire de 4,7 milliards cette année (au Québec, c'est 3,9) et ce, sans stimuli pour relancer l'emploi.

La construction et la fabrication sont responsables de deux pertes d'emplois sur trois depuis le début de la présente récession en novembre, note Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale, alors qu'elles ne représentent que 15% de l'emploi total. «Contrairement à ce qui se voit aux États-Unis, la récession frappe le marché du travail canadien de façon plutôt régionale et sectorielle», juge-t-il.

Chez l'Oncle Sam, le taux de chômage s'élevait à 8,5% en mars, en fixant à 16 ans le seuil d'entrée dans la population active. Au Canada, 15 ans suffisent. Si on adoptait la méthodologie américaine, alors le taux de chômage canadien s'établirait à 6,9% seulement.

La construction a sabré 65 800 jobs cette année partout au pays dont 18 200 en mars. Au Québec, il faut plutôt ajouter 3600 emplois sur les chantiers, dont 1700 le mois dernier.

Outre le bâtiment, c'est en usine que les emplois disparaissent le plus: 110 400 en trois mois dont 34 200 en mars. L'Ontario en a perdu 45 000, ce qui correspond un peu plus que son poids démographique, mais que dire des 18 300 suppressions en Alberta et des 25 700 de la C.-B.? En comparaison, le portrait du Québec est relativement moins sombre avec des pertes de 16 400.

Le secteur des services, qui emploie deux personnes sur trois, est moins affligé depuis le début de l'année. L'emploi y a même été stable le mois dernier.

Rémunération horaire

Malgré les pertes d'emplois et la baisse du nombre d'heures travaillées, la rémunération horaire des salariés était encore en hausse de 4,1% au Canada, le mois dernier, soit trois fois plus que le taux d'inflation. Le pouvoir d'achat des travailleurs qui détiennent un emploi ne s'est pas encore effrité, malgré la dépréciation du huard en bonne partie à cause de la chute du prix de l'essence depuis juillet.

La consommation devrait moins diminuer, limitant du coup les pertes d'emplois à venir dans le commerce de gros et de détail.

Le solde des échanges commerciaux du Canada avec le reste du monde s'est d'ailleurs nettement amélioré. Après deux déficits d'affilée, un modeste surplus de 100 millions est apparu en février, grâce à une remontée surprise et généralisée de la valeur des exportations. En volumes, la hausse était plus forte encore, ce qui permet de croire que les ventes des manufacturiers se sont redressées quelque peu au cours du mois. On le saura à coup sûr jeudi.