La Réserve fédérale américaine (Fed) s'est résolue à imprimer de l'argent dans le but de dégeler le crédit à la consommation et aux entreprises.

À l'unanimité, son Comité de politique monétaire a décidé entre autres mesures d'acheter d'ici six mois jusqu'à 300 milliards US d'obligations à long terme du Trésor américain, à partir de la semaine prochaine.  

En achetant directement la dette du gouvernement fédéral, la Fed se trouve à augmenter la quantité de dollars en circulation, puisque pour acheter ces obligations à long terme du Trésor, il lui faudra créer de la nouvelle monnaie. «La réserve fédérale va utiliser tous les outils disponibles pour promouvoir la reprise et préserver la stabilité des prix», lit-on dans le communiqué faisant part de sa décision.

 

Il s'agit d'une volte-face par rapport à sa décision de janvier où cette voie avait semblé écartée.

 

La Banque d'Angleterre a été la première à recourir à la monétisation (quantitative easing) il y a quelques jours avec un succès qui a pu convaincre la Fed de s'aventurer dans cette avenue aux conséquences encore mal balisées.

 

La Banque du Japon lui a aussi emboîté le pas, tandis que la Banque du Canada s'est dite prête à s'y résoudre, si nécessaire.

 

«La Fed porte aujourd'hui un grand coup qui devrait contribuer à faciliter les conditions sur les marchés du crédit, juge Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Toutefois, les risques de plus long terme sur l'inflation ou la valeur du dollar américain deviennent plus inquiétants.»

 

Le rythme annuel d'inflation était de 0,2 % en février, soit deux dixièmes de plus qu'en janvier à cause de la hausse du prix de l'essence.

 

L'annonce de la Fed a été fort bien accueillie par les investisseurs des marchés boursiers et obligataires. De leur côté, les cambistes ont largué massivement le billet vert qui s'est affaibli contre toutes les grandes devises, tandis que le métal jaune et l'or noir sont repartis à la hausse. Cela a permis au huard de gagner 1,43 cent US, à 80,24 cents US.

Notre monnaie franchit la barre des 80 cents d'équivalence pour la première fois depuis le 24 février.

 

«La Fed cherche dans l'immédiat à redonner de la liquidité dans les marchés», résume François Barrière, vice-président, développement des affaires, marchés internationaux, à la Banque Laurentienne.

 

L'activation de la planche à billets a diminué de plus d'une quarantaine de centièmes le rendement des obligations du Trésor de 10 ans en quelques minutes. Il cotait tout juste au-dessus des 2,50 % à la fermeture des marchés. La Fed a envoyé le signal que la demande pour ces titres restera forte puisqu'elle est prête à en acheter. (Plus une obligation est en demande, donc chère, et plus son rendement a tendance à diminuer.)

Le marché des titres du Trésor est plus petit que ceux des hypothèques ou des obligations corporatives. Les taux de ces derniers sont établis en fonction d'un écart par rapport au premier.

 

Il lui faut donc allouer moins d'argent pour obtenir le même résultat sur les coûts d'emprunt du secteur privé.

Le taux directeur maintenu

«Parce que les hypothèques peuvent facilement être renégociées aux États-Unis, cela signifie que les coûts d'emprunt pourront diminuer presque immédiatement pour beaucoup d'emprunteurs», fait remarquer Eric Lascelles, stratège chez TD Valeurs mobilières.

 

La Fed maintient aussi dans la fourchette de 0 à 0,25 % son taux directeur puisqu'elle «s'attend à ce que les conditions économiques vont sans doute exiger un faible taux directeur pour une période étendue».

 

En plus d'acheter de la dette gouvernementale, la Fed veut aussi désengorger les marchés en se disant prête à acquérir 750 milliards US de titres adossés à des hypothèques émis par les sociétés Fannie Mae et Freddie Mac, mises en tutelle l'automne dernier. La Fed porte aussi de 100 à 200 milliards US ses achats de titres de créances émis par Fannie et Freddie.

 

Bref, l'annonce d'hier équivaut à grossir son bilan de 1150 milliards US, soit 8 % de la taille de l'économie américaine. «Nous tenons pour acquis que tous ces nouveaux achats seront financés avec de l'argent de la banque centrale, affirme Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. En août 2008, la base monétaire rajustée s'établissait à 871 milliards, en février, elle avait atteint 1587 milliards et, aujourd'hui, elle se dirige vers les 2700 milliards. La planche à billets va chauffer.»

 

Ce n'est pas tout. La Fed annoncera sans doute aujourd'hui ou demain l'élargissement de la gamme de titres adossés à de actifs qu'elle pourra accepter en nantissement dans le cadre de son programme de prêts (Term Asset-Back Securities Loan Facility TALF) «afin de faciliter l'extension du crédit aux ménages et aux petites entreprises».