L'agence d'évaluation financière Moody's Investors Service a publié mardi une liste de près de 300 sociétés américaines au bord du défaut de paiement, dressant le panorama d'une crise qui n'épargne aucun secteur, des transports à l'agriculture, du luxe aux petits prix.

La liste d'infamie s'appelle «le dernier échelon» et est censée identifier parmi les sociétés déjà classées parmi les valeur spéculatives (note «Ba1» ou au-dessous) les plus vulnérables dans un contexte de marchés du crédit resserrés et de faiblesse économique généralisée.

283 sociétés figurent sur la liste. À en croire Moody's, plus de 45% pourraient se retrouver en défaut de paiement ou en faillite dans les 12 mois.

Imaginer vivre aux États-Unis sans ces sociétés, parmi lesquelles beaucoup d'enseignes omniprésentes, serait se prendre à vivre sans agrumes ni fruits tropicaux (sociétés Dole et Chiquita), sans beignets Krispy Kreme, avec des pharmacies plus rares (chaînes RiteAid et DuaneReade).

On ne pourrait s'habiller ni avec le chic de BCBG MaxAzria ou avec la sélection des magasins Barney's, ni avec les tricots haut de gamme St John, ni avec le déstockage de marque (Loehmann's). On ne pourrait pas même se consoler avec les babioles à une poignée de dollars de Claire's ou les tee-shirts sportifs Quiksilver.

Changer de voiture serait plus difficile: les trois constructeurs nationaux General Motors, Ford et Chrysler figurent sans surprise dans la liste, de même que de grands équipementiers comme American Axle, Tenneco ou Visteon.

Le voyage en avion deviendrait problématique: les plus grandes compagnies, American Airlines, United Airlines, US Airways et même la compagnie à prix cassés Jet Blue sont menacées.

Et pas la peine de penser à oublier ses problèmes au casino: Harrah's, MGM Mirage, Fontainebleau sont au bord de la faillite, tout comme les parcs d'attraction Six Flags et le loueur de vidéos Blockbuster, confirmant que les dépenses de divertissement sont parmi les premières sacrifiées.

Pour les repas, les petits prix des restaurants Arby's ou El Pollo Loco ne suffisent pas à les protéger.

La radio par satellite Sirius fait les frais à la fois de l'austérité nouvelle des Américains et de la crise de l'automobile, un débouché crucial.

D'autres réseaux de radio-TV traditionnels sont victimes de l'effondrement des recettes publicitaires, y compris la chaîne en espagnol Univision.

Au bureau, il faudrait se passer de la société de services Unisys et des assistants numériques Palm, et d'autres marques pourraient souffrir de la disparition de fabricants de microprocesseurs et de semi-conducteurs AMD et Freescale.

Mais hors de ces enseignes connues, il y a aussi tout un tissu industriel qui semble menacé, avec des petites sociétés pétrolières comme Brigham Exploration ou Alon, des fabricants de matériaux de construction, des chimistes, un papetier, un producteur de platine et de palladium, une filature de polyester...

«Il y a deux fois plus de sociétés dans la liste du 'dernier échelon' qu'il n'y en aurait eu il y a un an», a souligné dans un communiqué un vice-président de Moody's, David Keisman.

Au total, près du quart des sociétés classées parmi les valeurs spéculatives par Moody's figurent dans la liste, alors qu'il y a un an le taux aurait été de 12%, et il y a deux ans de 9% seulement.

L'agence n'a pas indiqué si elle prévoyait un classement similaire pour d'autres pays.

Quand à Standard and Poor's, elle a jugé que l'initiative de Moody's s'inspirait de ses «maillons les plus faibles», publiés mensuellement depuis 2002, qui rassemblent actuellement 205 sociétés basées aux États-Unis, 19 en Europe de l'ouest, 15 en Europe de l'est/Afrique/Moyen-Orient, 10 en Asie/Pacifique, 10 au Canada et 6 en Amérique latine.

L'an dernier, 97 des 105 «maillons les plus faibles» de S&P se sont retrouvés en défaut de paiement.