Les économistes du Mouvement Desjardins entrevoient un déficit de plus de 3 milliards de dollars à Québec en 2009-2010, une somme qui pourrait même friser les 5 milliards si le gouvernement de Jean Charest décidait d'adopter un plan de stimulation vigoureux.

«Des déficits budgétaires d'envergure seront inévitables pour 2009-10 et 2010-11, et ils pourraient perdurer encore par la suite», écrit l'équipe de François Dupuis, économiste en chef de Desjardins, dans une note publiée mercredi.

Faisant preuve d'audace, le groupe coopératif avance une idée originale pour relancer l'économie: que le gouvernement distribue des «bons» ou des «timbres» de consommation aux moins nantis, à utiliser dans des commerces québécois «à l'intérieur d'une période restreinte».

Après tout, les citoyens les plus pauvres «ont une plus grande propension à consommer» si leurs revenus augmentent subitement, souligne Desjardins. Les limites géographiques et temporelles d'un bon de consommation permettraient «d'éviter les fuites vers l'épargne», qui aide peu l'économie.

Autre avantage de taille: «les effets multiplicateurs d'une telle mesure sont élevés, plus encore que ceux des investissements en infrastructures», précise l'institution, qui va jusqu'à proposer le recours à des cartes à puce pour concrétiser l'idée.

Plan de 1,5 milliard $

Au plan des finances publiques, les économistes de Desjardins calculent que même en l'absence d'un plan de relance, le gouvernement du Québec se dirige vers un déficit de plus de 3 milliards $ pour l'exercice 2009-10, qui commence le 1er avril.

En incluant un plan de relance de 1,5 milliard $, le manque à gagner atteindrait près de 5 milliards $. La somme de 1,5 milliard $ représenterait le complément de Québec au plan fédéral annoncé en janvier, qui doit apporter environ 4,5 milliards $ à l'économie de la province en 2009-10.

Le total de 6 milliards $ équivaut à deux pour cent du produit intérieur brut nominal du Québec, soit l'ordre de grandeur que le Fonds monétaire international recommande actuellement pour les plans étatiques de stimulation économique.

«Le gouvernement québécois doit mettre la main à la pâte et bâtir un plan de relance qui comporterait plusieurs volets, en plus du programme déjà existant au plan des infrastructures», soutient Desjardins, en suggérant, en plus du bon de consommation, une bonification du remboursement de la TVQ et un relèvement du crédit d'impôt foncier.

Le coût de l'inaction sera plus grand que celui d'une intervention massive, prévient Desjardins, selon qui le taux de chômage pourrait frôler les 10 pour cent au Québec au cours de la présente récession.

Jusqu'ici, le gouvernement a donné peu d'indications sur un éventuel plan de relance, le premier ministre Charest se bornant à évoquer des «mesures de soutien» à l'économie et à l'emploi.

Quant à l'exercice 2008-09, Desjardins croit possible que Québec puisse l'équilibrer en puisant au moins 2 milliards $ dans sa réserve budgétaire de 2,3 milliards $.

Les 300 millions $ restants pourraient être appliqués à 2009-10. Pour faire leurs prévisions, les économistes ont tenu pour acquis que Québec ne toucherait pas au Fonds des générations, qui est financé par des redevances hydrauliques et qui vise à réduire la dette publique.

Le Parti québécois propose d'utiliser le Fonds pour amoindrir les effets de la crise économique. Pour Desjardins, une telle ponction créerait «un dangereux précédent».

Par ailleurs, le groupe coopératif voit d'un très mauvais oeil l'idée de modifier à la hausse ou à la baisse, en pleine récession, les tarifs pour les services publics comme les garderies, les universités ou la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).

Selon Desjardins, il faut en outre éviter d'amender la Loi sur l'équilibre budgétaire, puisque celle-ci permet déjà de résorber les déficits sur une période de cinq ans.

Les économistes de Desjardins se demandent finalement si le Québec «ne vit pas au-dessus de ses moyens», puisque l'excédent budgétaire le plus élevé enregistré par le gouvernement au cours des dernières années a été d'à peine 1,4 milliard $ (en 2006-07).

«L'ampleur de la récession actuelle permet de mettre en lumière le fait qu'après une longue période de croissance économique, le gouvernement n'a pas réussi à dégager suffisamment de marge de manoeuvre pour traverser la présente crise», notent-ils.