Jean-Claude Rancourt gagne sa vie en construisant des maisons dans la couronne nord de Montréal. «Les bonnes années, on en construit 20 ou 25», dit-il.

Le hic: depuis l'été dernier, il en a construit... deux.

«Ce n'est pas juste une diminution, c'est presqu'un arrêt, lance l'homme d'affaires. Ça a tellement diminué qu'on essaie maintenant d'aller chercher des clients pour la rénovation. Je n'en faisais pas avant, mais je vais commencer à en faire.»

 

Son explication? «La récession, dit M. Rancourt. Les gens ont peur, ils arrêtent leurs projets. Et les maisons ne se vendent pas.»

Il faut dire qu'Hervé Rancourt Construction fait des affaires dans l'un des marchés qui a le plus écopé le mois dernier. En janvier 2009, seulement 50 maisons individuelles ont été érigées dans la couronne nord de Montréal, contre 90 à la même période un an plus tôt. Une baisse de 44%.

Aux Habitations Innovatel, qui érige des maisons de 250 000$ ou plus à Mascouche et Saint-Eustache, on a aussi observé une «grosse diminution».

«Ça roule quand même, mais les clients sont plus craintifs, dit Annie-Claude Laroche, entrepreneure générale au sein de l'entreprise. À cette période-ci, j'ai habituellement une quinzaine de maisons de vendues. Là, j'en ai peut-être six ou sept.»

Les baisses et les impressions négatives sont loin d'être aussi prononcées partout. N'empêche que plusieurs constructeurs disent sentir le manque de confiance de leurs clients en cette période de difficultés économiques. «En fin de semaine, sur notre projet à Brossard, on a eu du trafic sans arrêt, on a eu des ventes», dit Joan Bond, présidente de la Maison Bond, qui construit des maisons et des condos sur la Rive-Sud.

Reste qu'à l'automne, Mme Bond a senti très clairement l'inquiétude gagner les consommateurs.

«Tout allait bien jusqu'à ce que les journalistes se mettent à parler de ça sans arrêt, observe-t-elle. Les clients se sont mis à entrer dans le bureau en parlant de la récession et de la récession. Les vendeurs leur demandaient: «vous faites quoi comme travail?» Il y en a qui répondaient: «Je suis infirmière.» On leur disait: «Écoutez, il n'y en a pas de problème!» Les gens ont tellement entendu parler de ça qu'ils sont inquiets même si ça ne les touche pas.»

Attendre avant d'acheter

Chez Prével, qui construit des condos à Montréal surtout destinés au marché des premiers acheteurs, on dit observer une baisse de 20% par rapport à l'an dernier.

«On se compare avec une année record, alors on ne s'inquiète pas trop, dit Jacques Vincent, coprésident de Prével. Mais on a une certaine baisse de visites et de signatures.»

Selon M. Vincent, plusieurs clients visitent les condos, mais prennent la décision d'attendre avant d'acheter.

«Quand on parle de 130 000 pertes d'emplois en un an (NDLR: la prévision du Mouvement Desjardins pour le Canada, l'une des plus conservatrices du milieu), on ne sait pas ce que ça va faire sur nos clients, dit M. Vincent. Mais jusqu'à maintenant, je dirais que les gens sont encore relativement optimistes.»

Et emprunter pour construire, c'est encore possible en cette période où le crédit est à sec? «Je n'ai tellement pas eu de clients que je n'ai pas pu voir l'impact, répond Jean-Claude Rancourt, de Hervé Rancourt Construction. Mais je ne croirais pas que les fonds soient plus difficiles à aller chercher.»

«Je ne dis pas qu'on a nécessairement les mêmes conditions et les mêmes taux, répond quant à lui Jacques Vincent, de Prével. Mais avec notre historique et notre track record auprès des banquiers, on peut réaliser les projets qu'on veut.»