La récession que vit le Canada entraînera cette année la suppression de 323 600 emplois et fera grimper le taux de chômage jusqu'à 8,8%, d'un océan à l'autre.

Même le secteur des services, dont la taille représente à peu près 70% de l'économie, réduira ses effectifs de quelque 43 000 personnes cette année, surtout dans le commerce de gros et détail ainsi que dans le transport et l'entreposage. Le déclin des exportations et de la consommation est à l'origine de cette raréfaction de l'emploi.

 

Le secteur manufacturier, déjà durement frappé depuis quatre ans, vivra des moments pénibles qui coûteront leur emploi à 117 000 personnes.

En fait, l'emploi manufacturier n'occupera plus que 11% des travailleurs canadiens. C'était 15%, il y a cinq ans à peine, rappelle Derek Burleton, directeur de l'analyse économique au Groupe financier Banque TD.

Dans une étude publiée hier qui détaille l'impact de la présente récession, il rappelle que c'est surtout dans la production de biens que la récession frappe, comme ce fut le cas au cours des deux contractions précédentes.

Il prévoit que le volume de la production manufacturière aura reculé cette année de 7,3% par rapport à l'an dernier, marqué pourtant par un recul appréciable de 4,6%.

L'automobile durement touchée

Au coeur des déboires de la fabrication, on retrouve l'automobile dont la production doit plonger de 30% cette année après la terrible dégringolade de 20% en 2008. M. Burlerton fonde ses sombres pronostics sur les prévisions de ventes nord-américaines de véhicules légers qui devraient plonger en piqué de 25,5% cette année, après la dégringolade de 15% de 2008. Les trois pays de l'hémisphère nord du continent connaîtront une forte diminution de leurs ventes et de leur production. La reprise attendue l'an prochain ne comblera pas tous les reculs des deux années pendant lesquelles l'économie américaine aura traversé sa pire récession de l'après-guerre.

Aux 38 000 licenciements survenus dans l'industrie au cours de 2007 et 2008 viendront s'en ajouter 22 000 cette année, prédit M. Burleton.

Les déboires de l'industrie automobile se répercuteront sur ses grands fournisseurs. Les producteurs de métaux et de plastiques vont réduire leurs volumes et leurs effectifs de manière significative. La taille de la production canadienne de métaux est légèrement plus grande que celle de l'auto, mais elle exige plus de travailleurs. L'effectif sera réduit de 23 000 personnes, soit presque l'équivalent de l'embauche dans le secteur l'an dernier.

L'extraction de minéraux et d'hydrocarbures faiblira aussi, ce qui entraînera près de 20 000 licenciements.

La construction démolie

C'est toutefois dans la construction que la récession décimera le plus les rangs des travailleurs: 44 000 personnes devront se chercher du travail ailleurs malgré l'effort des gouvernements pour lancer d'urgence des programmes d'expansion ou de réparation des infrastructures. La construction exige beaucoup de main-d'oeuvre. Voilà pourquoi, même une contraction de la production de 1,3% à peine entraînera une telle hécatombe.

Le scénario de la TD prévoit un effondrement des mises en chantier résidentielles qui plongeront de leur moyenne de plus de 20 0000 unités des dernières années à tout juste 140 000.

L'étude de M. Burleton est à l'échelle canadienne, sans bris par province. Au téléphone, il confirme cependant que sans faire aussi bien que la Saskatchewan, le Québec s'en tirera avec un moindre mal, y compris dans son secteur manufacturier. «Il est plus diversifié que celui de l'Ontario ou de l'Alberta.»

Il note que le carnet de commandes de l'industrie aéronautique permettra de soutenir la production jusqu'à l'an prochain.

M. Burleton s'attend aussi à un léger recul de la production des services publics, qui regroupe la génération d'électricité, le transit des pipelines et la production des réseaux d'eau. Comme l'industrie québécoise est surtout concentrée dans l'hydroélectricité et que la société distincte se chauffe surtout à la houille blanche, là encore la Belle Province devrait se distinguer sans pour autant pouvoir se péter les bretelles.

Les chiffres sur l'état du marché du travail en janvier seront publiés demain par Statistique Canada. Les experts s'attendent au troisième mois d'affilée de recul de l'emploi et une légère augmentation du taux de chômage.