Aux grands maux les grands remèdes. Confronté à une érosion de ses ventes, le géant pharmaceutique Pfizer s'est tourné hier vers son concurrent Wyeth et l'a avalé pour 68 milliards US. Une transaction dont l'impact est encore difficile à mesurer au Québec, où les deux entreprises emploient conjointement environ 1800 personnes.

Pfizer, le plus gros fabricant de médicaments de la planète, signe ainsi la plus importante transaction de l'industrie pharmaceutique depuis l'an 2000. Pfizer versera 22,5 milliards US en argent comptant, empruntera la même quantité à un consortium de banques et complétera avec 23 milliards US en actions.

 

«On s'attendait à ce que Pfizer fasse une transaction importante», dit Claude Camiré, analyste chez Paradigm Capital. C'est qu'en 2011, Pfizer perdra l'exclusivité sur son médicament-vedette contre le cholestérol, le Lipitor. Et le Lipitor compte pour plus du quart des ventes de l'entreprise. Le portefeuille de produits de Wyeth, décrit comme «très complémentaire» par Pfizer, pourrait donc aider à compenser les pertes anticipées.

Mais l'intégration des deux entreprises ne se fera pas sans heurts. Pfizer a déjà annoncé son intention de réaliser des économies de 4 milliards US, de se départir de 15% des employés des deux entreprises combinées - 19 000 personnes - et de fermer cinq usines.

Quels seront les impacts à Montréal? Hier, les dirigeants des deux filiales canadiennes ont affirmé qu'il était trop tôt pour le dire. Pfizer n'emploie plus que 1200 personnes au Canada, dont 600 à son siège social de Montréal et 600 vendeurs répartis à travers le Canada.

S'il ne veut pas se risquer au jeu des prédictions, Claude Camiré rappelle qu'une bonne partie du ménage a déjà été fait à Montréal du côté de Pfizer.

«Il faut quand même garder un core business dans chaque pays», dit-il.

L'attrait de Wyeth

L'histoire est différente pour Wyeth. Selon M. Camiré, Pfizer a surtout mis la main sur Wyeth pour son volet «médicaments biologiques» - des produits fabriqués à partir d'organismes vivants, par opposition aux médicaments traditionnels basés sur la chimie.

«Pfizer n'était pas encore dans le biologique, tandis que Wyeth avait fait le move il y a quelques années», dit M. Camiré.

Wyeth possède une usine de fabrication à Montréal qui emploie 1200 personnes, ce qui en fait l'un des plus importants employeurs en sciences de la vie au Québec. Sauf que l'usine montréalaise ne développe pas de nouveaux médicaments biologiques; elle fabrique des produits vendus en pharmacie pour des marques comme Advil ou Centrum.

Luc Vaugeois, consultant en biotechnologies, note que ces produits ne rapportent pas de haute marge de profit. «Et Pfizer s'est débarrassé de ses produits à faibles marges de profit...», rappelle-t-il.

«Quand les entreprises s'acquièrent de cette façon, on garde les lignes d'opération les plus profitables. Et ce ne sont habituellement pas les lignes de production de consommation courante», a aussi dit un autre observateur du milieu. Sauf que la maison-mère de Wyeth vient tout juste d'investir 20 millions de dollars dans son usine montréalaise pour la remettre à neuf.

«Il ne faut pas jouer les oiseaux de malheur. Pfizer pourrait très bien décider de faire fabriquer ici des molécules qui sont actuellement fabriquées ailleurs», dit M. Vaugeois.

«Dans un environnement de ralentissement comme celui qu'on connaît aujourd'hui, ça prend des sources de revenu», dit aussi un observateur, qui croit que ça pourrait aider à garder l'usine de Wyeth à Montréal.

La porte-parole de Wyeth à Montréal, Isabelle Lavoie, affirme qu'on devrait en savoir plus d'ici quelques semaines.