Le projet de loi déposé hier par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale Sam Hamad pallie le plus pressé dans la crise structurelle que traversent les régimes de retraite. Il ne la règle pas.

Le projet de loi déposé hier par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale Sam Hamad pallie le plus pressé dans la crise structurelle que traversent les régimes de retraite. Il ne la règle pas.

Les entreprises pourront souffler quelque peu en ayant 10 ans plutôt que cinq pour que la valeur de l'actif des régimes à prestations déterminées (PD) qu'elles parrainent égale ou surpasse celle des engagements pris à l'endroit des participants actifs ou retraités. C'est ce que les actuaires appellent le rétablissement de la solvabilité.

La très grande majorité des régimes PD canadiens (et québécois) souffrent d'insolvabilité. Trois régimes sur quatre auraient un taux de solvabilité inférieur à 80%, selon la firme Mercer.

Autrement dit, en cas de faillite du promoteur, les participants, y inclus les retraités, auraient droit à seulement 80% de la valeur de leur rente, pourtant garantie. Les régimes de retraite sont considérés comme des créanciers ordinaires en cas de faillite. Ils passent donc après les gouvernements et les banques, en cas de liquidation.

C'est pour limiter ces pénibles situations que les gouvernements obligent les promoteurs de régimes à rétablir normalement la pleine solvabilité des régimes en un maximum de cinq ans.

La crise actuelle change toutefois la donne. Ce ne sont pas seulement les régimes qu'il faut protéger, mais les entreprises qui les parrainent.

Depuis le début de la décennie, la valeur des engagements des régimes a gonflé de 130% alors que celle des actifs a progressé de 40%.

Plusieurs raisons expliquent cette détérioration, mais il y en deux principales.

Le passif s'est gonflé à cause de la chute des taux d'intérêt des obligations canadiennes à long terme qui servent de mesure étalon pour l'évaluer. Ils sont passés de 6,4% en 2000, à 3,8%, fin 2008. Plus les taux sont faibles, plus il faut d'argent pour faire face aux engagements futurs d'un régime.

L'actif n'a pas suivi le ballonnement du passif parce que le principal véhicule de placement n'a pas produit les rendements escomptés. Les grands indices boursiers nord-américains sont au même point qu'au début de la décennie.

La majorité des régimes de retraite investissent plus de la moitié de leurs portefeuilles en actions.

Il existe bien peu de moyens pour renflouer les régimes: hausses des cotisations, baisse des avantages pour les futurs retraités, rendements enfin au rendez-vous.

Entreprises coincées

Certaines entreprises sont coincées. Le coût du maintien des régimes qu'elles parrainent peut équivaloir à près de 20% de la masse salariale. Autant d'argent qu'il faut puiser dans les fonds propres ou emprunter alors que le crédit est rare et cher.

Les banques parrainent des régimes dont les déficits représentent à peine 1% de leur capitalisation boursière. Elles sont peu menacées par la crise actuelle, croit Michel St-Germain, associé chez Mercer.

Plus la proportion est élevée, plus le fardeau mine la santé financière jusqu'à devenir intolérable. Ainsi, la valeur de la capitalisation boursière de Nortel est maintenant réduite presque à néant. Selon Valeurs mobilières Desjardins, le déficit de ses régimes de retraite à travers le monde s'élevait à 1,9 milliard, à la mi-novembre. Cela est de bien mauvais augure pour ses retraités, si le plan de restructuration à venir ne réussit pas.

Pour ses employés, des concessions majeures sur leur future retraite seront exigées par le syndic.

D'autres cas semblables vont survenir au cours des prochaines semaines. Les employés des constructeurs automobiles sont particulièrement à risque.

Au bout du compte, quand les régimes de retraite menacent les entreprises, ces dernières, sous la pression de leurs actionnaires qui sont eux-mêmes souvent des caisses de retraite, s'attaquent aux régimes.

Le paradoxe, c'est qu'en minant les régimes, c'est tout le système financier qu'on affaiblit. Les caisses de retraite représentent le plus grand bassin de capital au pays. Ce sont elles qui achètent les actions et les obligations qu'émettent les entreprises pour se financer ou se capitaliser.

Voilà pourquoi, au-delà de mesures d'urgence comme celles présentées hier par M. Hamad, il faudra avant longtemps les réformer en profondeur pour qu'elles jouent pleinement leur double rôle de sécurisation financière des vieux jours des travailleurs et de rouage essentiel du système financier, sans pour autant étrangler les entreprises qui les parrainent.

Il s'agira d'une tâche colossale.