D'autres décisions difficiles attendent la nouvelle présidente et chef de la direction de Rio Tinto Alcan, qui ne voit pas de répit à court terme dans la descente aux enfers de l'industrie de l'aluminium.

D'autres décisions difficiles attendent la nouvelle présidente et chef de la direction de Rio Tinto Alcan, qui ne voit pas de répit à court terme dans la descente aux enfers de l'industrie de l'aluminium.

«L'industrie a réduit sa production de 11% et malgré ça, les inventaires continuent d'augmenter, a souligné hier Jacynthe Côté, lors d'un entretien avec La Presse Affaires. Il faudra probablement d'autres réductions de production.»

Jacynthe Côté succédera officiellement à Dick Evans à la tête de Rio Tinto Alcan le 1er février mais déjà, elle a entrepris d'examiner dans les détails la stratégie de l'entreprise et a dû prendre des décisions qui ne pouvaient pas attendre.

«On essaie de bouger avec beaucoup de prudence pour s'ajuster aux conditions du marché, a-t-elle expliqué. On s'ajuste avec des gestes chirurgicaux en continuant de suivre l'évolution du marché.»

Rio Tinto Alcan a annoncé hier une réduction additionnelle de 6% de sa production d'aluminium, qui s'ajoute à celle de 5% communiquée à la fin de 2008. Cette fois, les coupes n'épargnent pas le Québec ni le Saguenay, la région natale de Jacynthe Côté.

L'aluminerie de Beauharnois, la plus petite usine de ce genre en Amérique du Nord, cessera ses activités, et l'usine de Vaudreuil au Saguenay, qui transforme la bauxite en alumine, diminuera sa production de 25%.

Ces deux usines sont parmi les plus vieilles de la famille Alcan, et leur mise au rancart est prévue depuis longtemps. Deux autres usines du Québec sont dans la même situation précaire, celles de Shawinigan et d'Arvida au Saguenay.

L'usine de Shawinigan a été épargnée parce qu'un programme agressif de réduction de coûts est en cours dans cette usine, a fait savoir Mme Côté.

Mais cette aluminerie où Alcan a vu le jour en 1901 est condamnée à fermer d'ici 2015 parce qu'elle utilise un ancien procédé qui ne sera plus conforme aux normes environnementales.

Au total, les quatre usines les plus anciennes d'Alcan au Québec emploient 2000 personnes.

Jacynthe Côté devra aussi décider quels projets de développement seront poursuivis et quels seront ceux qui seront abandonnés. Rio Tinto a déjà annoncé une réduction de ses investissements 9 à 4 milliards US. «Il nous reste à annoncer l'impact de cette réduction sur l'ensemble de nos projets à travers le monde», a-t-elle indiqué, ce qui devrait se faire prochainement.

Rio Tinto Alcan avait plusieurs projets de développement pour ses installations au Saguenay, dont un agrandissement de son aluminerie d'Alma et la construction d'une usine utilisant une nouvelle technologie prometteuse.

«On va revenir avec plus de détails à ce sujet, a dit celle qui succédera à Dick Evans. Il faut être prêt à repartir en force quand le marché reprendra.»

Jacynthe Côté souligne qu'il faut faire preuve d'humilité quand vient le temps de prédire la fin de la crise. «En juillet dernier, il était impossible de prévoir ce qui est arrivé», a-t-elle souligné. Aucune reprise ne s'annonce avant «au moins deux trimestres», a-t-elle avancé.

Entre l'été dernier et aujourd'hui, le prix de l'aluminium sur le marché a été coupé de plus de la moitié. Le prix actuel, autour de 0,60$US la livre, est aussi bas qu'en 2004.

Une dette élevée

Aucun producteur d'aluminium de la planète n'est épargné par la dégringolade rapide de la demande, mais la situation d'Alcan est plus difficile à cause de l'endettement élevé de son nouveau propriétaire Rio Tinto. Le géant anglo-australien a accepté de payer 38 milliards$US pour mettre la main sur Alcan et doit maintenant rembourser la dette qu'il a contractée dans un contexte de récession mondiale et de crise du crédit.

Le Québec s'en tire relativement bien malgré tout, du moins jusqu'à maintenant. Les compressions déjà annoncées par Alcoa l'ont épargné et Rio Tinto Alcan a réduit davantage sa production dans ses usines ailleurs dans le monde.

Des réductions de production totales de 450 000 tonnes, seulement 50 000 tonnes viennent du Québec (Beauharnois), a indiqué hier Jacynthe Côté.

Ce sont les coûts d'énergie très bas, le nerf de la guerre pour une aluminerie, qui expliquent cette situation. Alcan produit elle-même une bonne partie de l'électricité requise par ses usines à un coût très bas et achète le reste d'Hydro-Québec à un tarif à peine plus élevé.

L'usine de Beauharnois sera fermée progressivement et certaines activités de coulée pourraient y être maintenues, ce qui sauverait «quelques dizaines d'emplois», a fait savoir Mme Côté. «Ce n'est pas une bataille gagnée», a-t-elle précisé.

La réduction additionnelle de 230 000 tonnes annoncées hier par Rio Tinto Alcan touche plusieurs autres installations dans le monde, notamment en Nouvelle-Zélande, au Cameroun et en Angleterre.

L'entreprise a aussi annoncé la vente à son partenaire de sa participation de 50% dans l'aluminerie Ningxai de Chine, dont la capacité est de 150 000 tonnes. La transaction est pratiquement conclue, a fait savoir Jacynthe Côté.

L'impact de ces mesures se fera sentir dans les résultats des deux prochains trimestres, a-t-elle ajouté.

À New York hier, le titre de Rio Tinto a plongé de 9,60$, à 79,17$US.