Rio Tinto Alcan (RTP) demande à l'aluminerie de Shawinigan d'effectuer des compressions de 18 M$ pour traverser la crise qui sévit depuis l'automne. Les moyens pour y parvenir devraient être dévoilés au début février.

Rio Tinto Alcan [[|ticker sym='RTP'|]] demande à l'aluminerie de Shawinigan d'effectuer des compressions de 18 M$ pour traverser la crise qui sévit depuis l'automne. Les moyens pour y parvenir devraient être dévoilés au début février.

Des premiers signes se sont toutefois manifestés à l'intérieur des murs de l'usine du boulevard Saint-Sacrement. Louis-Gérard Dallaire, président du Syndicat des travailleurs de l'aluminerie Alcan (CSN), mentionne que cinq ou six chargés de projets ont été mis à pied au cours des derniers jours.

«Ces personnes n'étaient pas des employés directs de la compagnie», précise-t-il. «C'est la première action posée par la direction, ici et dans d'autres usines du groupe. Pour le reste, on ne sait pas encore quelle couleur ça va prendre. On sait qu'ils travaillent sur des choses. Qu'est-ce que c'est au juste, on ne le sait pas encore.»

Rappelons qu'en décembre, Rio Tinto a annoncé un plan mondial de compressions qui atteindra 2,5 G$. Toutes les divisions, incluant évidemment celle de l'aluminium, seront touchées. La compagnie souhaite supprimer 14 000 emplois à la conclusion de cette vague de rationalisation.

Jusqu'ici, dans les communications officielles, la haute direction avise qu'elle revoit d'abord sa structure administrative avant de s'attaquer aux unités de production. M. Dallaire s'attend à ce que la nouvelle chef de la direction de Rio Tinto Alcan, Jacynthe Côté, lâche le morceau au début février, lorsqu'elle entrera officiellement en fonction.

Sans encore entrer dans les détails, la direction locale a donné un indice de l'ampleur des sacrifices qui seront exigés.

«Le montant de 18 M$ est pas mal confirmé», reconnaît M. Dallaire. «Toutes les usines à travers le Québec seront confrontées à cela. Elles auront toutes un défi à relever, en proportion de leur grosseur.»

Du côté de Rio Tinto Alcan, Claudine Gagnon, conseillère en communications, ne veut confirmer ni infirmer de montant. Par contre, elle convient que la direction de l'alumi- nerie de Shawinigan connaît déjà l'ampleur des économies à réaliser.

«Nous n'entrerons pas dans les détails de ce que nous demandons aux usines», commente-t-elle. «Elles doivent toutes améliorer leur performance et diminuer leurs coûts. Actuellement, elles ont toutes leurs cibles et elles travaillent à les atteindre. L'objectif demeure de passer à travers la crise pour être prêt pour la reprise.»

Un message bien compris par les travailleurs.

«À court terme, il faut tirer notre épingle du jeu», convient M. Dallaire. «Pour le reste, on va continuer à travailler pour attirer des investissements ici. Mais d'abord, il faut passer à travers cette crise... que personne n'avait prévue.»

Québec travaille à repousser l'échéance

Pendant que la livre d'aluminium battait des records l'été dernier, la ministre responsable de la Mauricie, Julie Boulet, a amorcé des démarches afin de vérifier si la division shawiniganaise de Rio Tinto Alcan ne pourrait profiter de la vigueur du marché pour prolonger son existence.

En principe, les cuves Söderberg seront condamnées à compter du 1er janvier 2015, pour des raisons environnementales. Le gouvernement du Québec possède une entente de continuité avec Rio Tinto Alcan pour maintenir les installations de Shawinigan en exploitation jusqu'en 2013, à moins d'une sévère détérioration du marché.

De passage dans la région lors de la dernière campagne électorale, le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, avait soulevé l'hypothèse que ces échéances soient repoussées. Mme Boulet confirme qu'en septembre, elle a commencé à défricher le terrain.

«J'ai regardé pour voir si on ne pouvait pas demander une extension au ministère de l'Environnement», commente la ministre. «Des efforts considérables ont été faits à Shawinigan. Y aurait-il une possibilité de prolonger la vie de l'usine de 2015 à 2020, compte tenu du fait que l'usine a diminué ses émissions de gaz à effet de serre et que son bilan environnemental est meilleur?»

Julie Boulet convient que son plan a pris du plomb dans l'aile au cours des derniers mois. La tonne d'aluminium se transige actuellement à 1460$ US alors qu'en juillet, elle fracassait les 3200$ US. Rio Tinto Alcan parle davantage de rationalisation ces temps-ci.

«C'était regardé de plus près quand le prix était meilleur», convient-elle. «Mais la demande est faite chez Rio Tinto Alcan ainsi qu'au ministère de l'Environnement. Le dossier est à l'étude.»

Selon les discussions menées avec la compagnie, Mme Boulet comprend que des investissements deviendraient nécessaires à Shawinigan si la vie de l'aluminerie était prolongée. Voilà pourquoi M. Bachand pouvait s'avancer un peu là-dessus en décembre, puisque son ministère pourrait être sollicité si jamais Rio Tinto Alcan manifestait un quelconque intérêt.

On reste encore très loin d'une annonce, mais à tout le moins, la ministre régionale assure qu'elle travaille sur des solutions pour éviter un autre séisme à court terme à Shawinigan.

«Ce n'est pas une vision à long terme, mais si nous sommes capables de faire en sorte que 150 travailleurs de plus aient accès à leur retraite, ce n'est pas rien», fait-elle remarquer. «Ça donnerait aussi cinq ans de plus au milieu pour se retourner de bord. Sans compter que ce sont des salaires non négligeables. On achèterait du temps précieux pour la région.»

À l'autre bout de la lorgnette, on se demande si l'entente de continuité entre Rio Tinto Alcan et le gouvernement du Québec résistera à la dégringolade du prix de l'aluminium.

Là-dessus, Mme Boulet est encouragée par ses entretiens des derniers mois avec la nouvelle chef de la direction de Rio Tinto Alcan, Jacynthe Côté. Elle assure que la multinationale comprend très bien l'impact de son usine dans la région, déjà affectée par la fermeture de la papeterie Belgo.

«Elle m'a dit que les gens de Shawinigan avaient fait des efforts considérables et que la compagnie en tiendrait compte dans ce dossier», souligne-t-elle.