Trois dollars ou 35 cents? L'écart est grand entre la valeur accolée au titre de Rite Aid par le Groupe Jean Coutu (T.PJC.A) et son cours actuel en Bourse, ce qui pourrait amener la chaîne québécoise à essuyer de nouvelles pertes comptables au cours des prochains mois.

Trois dollars ou 35 cents? L'écart est grand entre la valeur accolée au titre de Rite Aid par le Groupe Jean Coutu [[|ticker sym='T.PJC.A'|]] et son cours actuel en Bourse, ce qui pourrait amener la chaîne québécoise à essuyer de nouvelles pertes comptables au cours des prochains mois.

Hier, Coutu a déclaré une perte nette de 399,2 millions au troisième trimestre de l'année financière 2009. Un manque à gagner attribuable à la baisse de valeur de son placement dans Rite Aid, qui l'a obligé à enregistrer une «provision préliminaire» de 358 millions et une charge de 74 millions.

Le groupe possède 250 millions d'actions de Rite Aid, dont il a hérité à la vente de ses pharmacies Brooks et Eckerd à la chaîne américaine en juin 2007. Le titre de Rite Aid s'échangeait à l'époque à 6,55$US, mais il a décliné presque sans cesse depuis pour atteindre 35 cents hier à la Bourse de New York.

Or, Jean Coutu accole encore aujourd'hui une valeur de plus de 3$ au titre de Rite Aid dans ses livres. Presque neuf fois le cours actuel. Ce qui pourrait forcer la société à enregistrer une autre provision au prochain trimestre, après celle de 358 millions annoncée hier.

«Ce montant sera révisé à la hausse ou à la baisse à la lumière d'une évaluation un peu plus exhaustive», a indiqué à La Presse Affaires André Belzile, premier vice-président aux finances et affaires corporatives.

Selon M. Belzile, Rite Aid vaut «largement plus» que 36 cents par action (le cours d'hier matin), compte tenu des flux monétaires espérés et du plan d'affaires de l'entreprise. Le titre souffre, comme bien d'autres, de la débâcle boursière et de la perte de confiance des consommateurs, insiste-t-il.

Reste que la différence est marquée entre ce que valait hier le placement dans Rite Aid et ce que Coutu estime qu'il vaut. À 3$ l'unité, le bloc d'actions vaudrait 750 millions US. Au prix de fermeture d'hier: 88 millions US.

Valeur nulle

André Belzile tient à souligner que les affaires sont bonnes dans les 348 pharmacies Jean Coutu du Canada et que c'est là l'important. Selon lui, le placement dans Rite Aid «fait partie de l'histoire» pour les investisseurs. «En toute honnêteté, au moment où on se parle, je pense qu'il n'y a plus personne qui attribue une grande valeur aux actions de Rite Aid dans le cours boursier du Groupe Jean Coutu.»

La perte nette dévoilée hier est uniquement «comptable, a-t-il fait valoir. Si on paye de l'impôt, c'est probablement parce qu'on fait de l'argent.»

Coutu a effectivement payé de l'impôt sur les bénéfices - 16,3 millions - au troisième trimestre, 7 millions de plus que l'année précédente. Et n'eut été les pertes liées à Rite Aid, le groupe aurait dégagé un bénéfice de 36,7 millions (0,15$ par action).

En fait, l'entreprise a connu une assez belle progression de ses ventes pendant le trimestre, cependant moindre qu'en 2007. Elles ont grimpé au total de 3,2% dans les magasins comparables, comparativement à 6,1% il y a un an. Le secteur pharmaceutique a progressé de 4,5% (contre 9,5% l'an dernier) et le secteur commercial, de 1,6% (0% l'an dernier).

«La pharmacie est l'un des rares secteurs qui offrent une croissance constante des ventes dans le climat économique difficile qu'on connaît aujourd'hui», a fait valoir François Jean Coutu, grand patron du groupe, pendant une téléconférence avec les analystes.

Les médicaments de prescription comptent pour 63% des ventes de Coutu et ceux en vente libre, pour 10%, a souligné le dirigeant. Autant d'articles auxquels les consommateurs peuvent difficilement renoncer, crise économique ou pas.

Le bénéfice de 0,15$ par action (excluant les pertes liées à Rite Aid) «arrive au-dessus de notre estimation de 0,14$ et en ligne avec le consensus des estimés», a fait valoir dans une note l'analyste David Hartley, de BMO Marché des capitaux. Il y a un an, le groupe avait enregistré un profit net de 9,5 millions, ou 0,04$ par action.

Jean Coutu a enregistré des revenus de 620,3 millions au troisième trimestre, comparativement à 583 millions l'an dernier. Le groupe a par ailleurs rayé 3,6 millions de ses placements dans les papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA). La perte totale s'élève à 10,7 millions jusqu'à maintenant, soit environ 30% de l'investissement initial.

Le titre de Jean Coutu a clôturé à 7,52$ hier à la Bourse de Toronto, en baisse de 2,3%. David Hartley vise un cours-cible de 8$.

JEAN COUTU EN CHIFFRES

Troisième trimestre de l'année financière 2009

Revenus : 620,3 millions

Perte nette : 399,2 millions (1,66$ par action)

«Provision préliminaire» liée à l'investissement dans Rite Aid: 358 millions

Perte de valeur totale liée aux PCAA: 10,7 millions

Croissance des ventes par magasins comparables : 3,2%

Nombre total de pharmacies: 348 pharmacies

Variation de l'action depuis cinq ans: -54,56%

Source: Groupe Jean Coutu

DES CADEAUX INÉGAUXPROGRESSION DES VENTES DEMAGASINS COMPARABLES AUX ÉTATS-UNIS

Macy's -4%

Sears -7,30%

Gap -14%

Abercrombie & Fitch -24%

American Apparel 3%

Wal-Mart 1,90%

Source: Agence France-Presse

UN MARIAGE COÛTEUXSANS RITE AID

Bénéfice avant éléments spéciaux

36,7 millions

AVEC RITE AID

Perte nette (1,66$ par action)

-399,2 millions