Les conclusions d'un rapport sur la réglementation des valeurs mobilières pourraient semer la discorde au pays, à quelques jours d'une rencontre entre Stephen Harper et ses homologues des provinces sur l'économie.

Les conclusions d'un rapport sur la réglementation des valeurs mobilières pourraient semer la discorde au pays, à quelques jours d'une rencontre entre Stephen Harper et ses homologues des provinces sur l'économie.

Dans un document dévoilé lundi, un groupe d'experts mis sur pied par le ministre des Finances, Jim Flaherty, recommande la création d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières, en remplacement des organismes provinciaux et territoriaux.

Hormis l'Ontario, toutes les provinces s'opposent à des degrés divers à une telle commission de réglementation unique; et parmi ses plus farouches détracteurs, le Québec trône certainement en tête de liste.

Avant même la sortie du rapport, le premier ministre québécois Jean Charest a clairement indiqué qu'il s'opposerait à la centralisation, par Ottawa, de la réglementation financière.

«Là-dessus, on n'a pas changé d'idée», a-t-il lancé en point de presse lundi. Pour lui, cela ne fait pas de doute que c'est le gouvernement du Québec qui a compétence dans ce domaine.

Le groupe de sept panélistes, dirigé par l'ancien président de l'Institut des fonds d'investissement du Canada, Tom Hockin, propose l'établissement d'un organisme national qui aurait le mandat d'appliquer une loi unique au Canada. L'objectif serait de renforcer l'application de la loi, d'éliminer les doublons et de mieux répondre aux besoins des investisseurs.

«Étant donné la tourmente qui a secoué les marchés des capitaux mondiaux récemment, il ressort encore plus clairement que le Canada doit se doter d'un organisme unique», a indiqué M. Hockin.

La «structure fragmentée» constitue une lacune importante du régime canadien, à son avis, alors que pratiquement tous les pays développés disposent d'une commission nationale unique. Avoir un seul interlocuteur faciliterait la collaboration sur le plan international, croit-il.

L'opposition des provinces

La mise sur pied d'un tel organisme ne sera pas de tout repos, conviennent néanmoins les experts du panel.

Ils suggèrent d'abord au gouvernement fédéral de laisser aux provinces le choix de se joindre ou non à cette commission unique; puis, dans un second temps, de permettre aux compagnies de se retirer des organismes provinciaux de réglementation pour adhérer à la commission pancanadienne.

Ultimement, le groupe propose qu'en «dernier recours», le gouvernement fédéral envisage d'imposer «unilatéralement» le régime national unique, ce qui serait cohérent avec son pouvoir constitutionnel, selon lui.

Ce n'est pas l'avis de la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, qui s'est toujours vivement opposée à une commission nationale, en martelant que la réglementation des valeurs mobilières relevait de la compétence des provinces. Elle a d'ailleurs déjà soutenu qu'elle n'hésiterait pas à se rendre en Cour suprême pour faire valoir son point de vue.

Dans un mémoire à l'intention du panel, l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait pour sa part soutenu que la présence d'organismes de réglementation dans les 13 provinces et territoires favorisait le dépistage de fraudes. Elle avait qualifié «d'inutile» toute centralisation.

D'autres provinces, notamment l'Alberta, s'inquiètent également de la centralisation croissante des pouvoirs à Toronto, où sont actuellement concentrées 80 pour cent des inscriptions en Bourse.

Le sujet pourrait donc rebondir à la rencontre entre le premier ministre Stephen Harper et ses homologues provinciaux qui s'ouvre jeudi à Ottawa. Le conflit pourrait monopoliser une partie importante des discussions, alors que plusieurs, aux quatre coins du pays, espèrent que cette rencontre se soldera par des actions concrètes pour stimuler l'économie.

Autres recommandations

Outre sa proposition principale de centraliser la réglementation, le panel recommande un tribunal d'arbitrage indépendant comme il en existe actuellement un au Québec.

Il suggère d'autre part l'adoption d'une approche fondée sur les «principes» plutôt qu'une réglementation qui s'empêtre dans les détails.

Le groupe souhaite par ailleurs la création d'un comité d'investisseurs indépendants qui aurait le mandat de faire valoir ses préoccupations au nouvel organisme de réglementation pancanadien.

Une ébauche de loi à l'intention du gouvernement a été rédigée, reprenant les recommandations émises par le groupe d'expert.