Le rythme annuel d'inflation a ralenti le mois dernier grâce à la chute du prix de l'essence, mais la cherté accrue des aliments et du logement effrite le pouvoir d'achat des Canadiens qui utilisent peu leur voiture.

Le rythme annuel d'inflation a ralenti le mois dernier grâce à la chute du prix de l'essence, mais la cherté accrue des aliments et du logement effrite le pouvoir d'achat des Canadiens qui utilisent peu leur voiture.

De novembre à décembre, le taux annuel d'inflation est passé de 2% à 1,2%, révélait hier Statistique Canada. Au Québec, la progression de l'indice des prix à la consommation (IPC) a glissé de 1,4% à 0,5% seulement. Dans les Maritimes, l'IPC recule ou stagne désormais.

Tout se résume à l'essence dont le prix était inférieur de 25,8% le mois dernier par rapport à ceux de décembre 2007. Il s'agit du plus grand piqué de ce produit depuis que l'agence fédérale a commencé à le suivre en 1949.

Si on en fait abstraction, l'IPC progressait de 2,6% en rythme annuel, le mois dernier.

Les prix des aliments ont augmenté de 7,3% depuis un an et même de 9,0%, si on compte seulement ceux achetés en magasin. Le bond de 26,9% des prix des légumes frais en majorité importés des États-Unis met en relief l'affaiblissement de plus de 20% du huard face au billet vert en un an.

«Comme les aliments représentent 17% de l'IPC et que les autres biens importés seront bientôt frappés par la dépréciation du huard, attendez-vous à quelque résistance aux pressions déflationnistes au Canada», préviennent Krishen Rangansamy et Avery Shenfeld, économistes chez Marchés mondiaux CIBC.

En fait, les prix de deux éléments de l'IPC sur trois étaient à la hausse le mois dernier. «On ne peut donc pas vraiment parler de déflation qui nécessite par définition une baisse générale de prix de tous les biens et services», fait remarquer Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Ceux du logement, des dépenses liées au ménage comme l'ameublement, des soins personnels et des boissons et du tabac ont tous progressé durant le mois. Ceux de l'habillement et du transport (à cause de l'essence) ont reculé.

Les pressions inflationnistes étaient bien visibles le mois dernier, si on mesure l'inflation à partir de l'indice de référence de la Banque du Canada (IPCX). Son rythme annuel était inchangé par rapport à novembre, à hauteur de 2,4%. L'essentiel de cette progression est cependant attribuable aux prix des services qui avançaient au rythme annuel de 3,1% le mois dernier alors que les prix de l'ensemble des biens reculaient de 0,8%.

Le fort ralentissement économique en cours va cependant ralentir les pressions inflationnistes au cours des mois à venir, surtout dans le secteur des services. Voilà pourquoi la Banque du Canada prévoit que l'IPC reculera durant quelques mois au troisième semestre.

La déflation qui menace aux États-Unis n'est pas à craindre chez nous pour autant, car les prix recommenceront à grimper en fin d'année.

Si les craintes de déflation sont fondées aux États-Unis, c'est que les concessions salariales des travailleurs et les gels imposés par les employeurs nourrissent la baisse des prix des biens et des services. «Pour la première fois depuis la Grande Dépression, les travailleurs acceptent des baisses de salaires dans l'espoir de garder leur emploi», souligne Sherry Cooper, économiste en chef à BMO Marchés des capitaux dans une analyse intitulée Les forces déflationnistes s'accélèrent. Elle griffe au passage le nouveau président Barack Obama, qui a gelé la rémunération des hauts salariés de Washington. «C'est exactement l'opposé de ce qu'un stimulus fiscal vise: augmenter le revenu disponible des ménages.»

L'économiste en chef de la Financière Banque Nationale met quant à lui en lumière la différence entre le Canada et les États-Unis à ce chapitre. Il a calculé que les salaires horaires réels canadiens, déduction faite de l'IPC des biens de base, sont en progression annuelle de 6%, pas loin d'un sommet en 10 ans. «Cela apportera assurément un soutien aux dépenses exprimées en volume au cours des prochains mois.»

Si tel est le cas, cela nourrira un brin la croissance, qui en a fort besoin par les temps qui courent.